Mihnea Lamatic (Lunardo), Silvia Beltrami (Margarita), Romina Casucci (Lucieta), Mirko Quarello (Simone), Daniela Degennaro (Marina), Aleksandar Stefanoski (Maurizio), Tansel Akzeybek (Filipeto), Roman Ialcic (Cancian), Ana James (Felice), Giulio Pelligra (le comte Riccardo Arcolai), Agnieszka Hauzer (la Servante de Marina), Royal Liverpool Philarmonic Orchestra, dir. Vasily Petrenko (2012).
CD Rubicon RCD 1024. Traduction anglaise du livret disponible sur le site www.rubiconclassics.com. Distr. Harmonia Mundi.

De l’opéra Les Quatre Rustres, créé en 1906 à Munich sous le titre Die vier Grobiane, la postérité n’a guère retenu que le très beau prélude et le gracieux intermezzo au début du deuxième acte. C’est grand dommage, car la commedia musicale – inspirée de la pièce I rusteghi (1760) de Goldoni – fourmille d’idées musicales, annonce clairement le néo-classicisme et s’apparente à Falstaff dans la vivacité de son discours orchestral.

Écho d’un concert donné à Liverpool en mars 2012, cet album nous permet d’apprécier les affinités de Vasily Petrenko avec l’univers de Wolf-Ferrari, dont il a par ailleurs enregistré en 2010 Il segreto di Susanna (Avie Records). Sous sa baguette, on sent bien l’union quasi consubstantielle entre paroles (en vénitien) et musique, cette dernière prenant le plus souvent la forme de l’arioso. Associé principalement au répertoire symphonique, le chef n’en possède pas moins un instinct dramatique très sûr, qui culmine dans le finale virevoltant du deuxième acte et dans la longue scène du dernier acte au cours de laquelle Felice révèle aux rustauds du titre comment les femmes les ont bernés pour que l’amour triomphe de leurs sottes prétentions.

Dans ce moment clé de l’ouvrage, Ana James confirme l’excellente impression qu’elle laisse dans les autres tableaux : somptuosité du timbre, rondeur de la voix, caractère bien trempé... Mention également à Romina Casucci et surtout à Tansel Akzeybek, qui interprètent avec beaucoup de conviction et de générosité vocale les amoureux Lucieta et Filipeto. À l’exception de la Margarita au chant soigné de Silvia Beltrami, il faut bien convenir que l’on descend de plusieurs crans avec les autres chanteurs. Les quatre maris autoritaires et imbus d’eux-mêmes n’appellent certes pas des voix séduisantes, mais on serait en droit d’attendre des timbres moins usés, au vibrato moins large et mieux capables de soutenir une ligne mélodique. À cet égard, la basse Mihnea Lamatic constitue le maillon le plus faible de la distribution ; dans le rôle principal de Lunardo (marqué notamment par Nicola Rossi-Lemeni dans l’enregistrement réalisé à la Scala en 1954 par Antonino Votto), il expose des défaillances qui déparent partiellement une version aux mérites évidents.

L.B.