Oleg Kulko (Hermann), Sergei Leiferkus (Comte Tomski), Albert Schagidullin (Prince Eletski), Viacheslav Voynarovskiy (Tchekalinski), Maxim Mikhailov (Sourine), Felix Livshitz (Tchaplitski), Alexey Kanunikov (Naroumov), Nina Romanova (la Comtesse), Karina A. Flores (Lisa), Ekaterina Semenchuk (Pauline), Olga Schalaewa (la Gouvernante), Lilia Gretsova (Macha). Chœur Ankor, Chœur Gary Bertini, Orchestre Philharmonique d’Israël, dir. Vladimir Jurowski (concert live, Smolarz Auditorium, Tel Aviv, 11/14/16 novembre 2012).
CD Helicon Classics. Notice en anglais. Distr. Helicon.

Il suffit d’écouter les premières mesures : Vladimir Jurowski trouve les couleurs, le ton. On reconnaît là les vrais chefs d’opéra. Le Russe est à la fois peintre d’atmosphères et dramaturge, aussi à l’aise pour restituer le néoclassicisme des pages à la Mozart que pour créer un climat oppressant, sans que la baguette se départe de sa fluidité. De quoi combler les amateurs de bon son, jamais narcissique cependant, comme ceux de théâtre. Le bal n’a rien à envier à la caserne. Jurowski se hisse au sommet de la discographie, supérieur à un Rostropovitch ou à un Ozawa.

A défaut d’égaler les grandes références, la distribution se signale par une homogénéité qu’on ne nous offre pas toujours aujourd’hui. Oleg Kulko entre dans la folie de Hermann sans tomber dans l’histrionisme, maître de sa ligne, mais sans égaler les grands interprètes du rôle, avec de fortes tensions dans l’aigu à la fin du premier acte ou dans l’air du dernier tableau. Des tensions se perçoivent aussi chez la Lisa toute de lumière frémissante et blessée de Karina A. Flores, qui n’en reste pas moins très séduisante par le timbre et le phrasé – magnifique arioso du troisième acte. Il manque en revanche à Nina Romanova la superbe de la Comtesse et son apparition à la caserne n’a pas l’étrangeté d’un spectre – du moins est-elle en voix, à l’inverse de beaucoup.

Les rôles plus secondaires sont magnifiques : Pauline de haut lignage d’Ekaterina Semenchuk, qui ne chante heureusement pas sa Romance comme un grand air d’opéra, Eletski de velours d’Albert Schagidullin, au charme donjuanesque. Deux décennies après la version d’Ozawa, Sergei Leiferkus porte encore beau même si les années crispent un peu l’aigu, avec aujourd’hui une noirceur troublante qui transforment le personnage.

D.V.M.