Roman Trekel (Wallenstein), Martina Welschenbach (Thekla), Ralf Lukas (Octavio Piccolomini), Daniel Kirch (Max Piccolomini), Roman Sadnik (le comte Terzky), Dagmar Schellenberger (la comtesse Terzky), Edwing Tenias (Illo), Georg Lehner (Buttler), Benno Schollum (Wrangel), Oliver Ringelhahn (Gordon), Dietmar Kerschbaum (le comte Questenberg), Nina Berten (Cantinière), Claudia Goebl (Jeune Fille), Johannes Schwendinger (un Chasseur), ORF Radio-Symphonieorchester Wien, Wiener Singakademie, dir. Cornelius Meister (live, 2012).
CD CPO 777963-2. Distribution DistrArt Musique.

Vienne allait sombrer dans l’Anschluss, mais Jaromir Weinberg aurait encore le temps de voir créé, le 18 novembre 1937, son Wallenstein, parabole anti-nazie qui s’appuyait sur la pièce de Schiller. Milos Kares en avait tiré un livret aussi brillant qu’impertinent, dont les audaces avaient été encore précisées par la traduction de Max Brod. Qui espérera ici retrouver la fantaisie truculente de Schwanda en sera pour ses frais – le sujet éminemment politique l’interdit de tout façon ; il sera même confronté à un orchestre très différent, sombre, tendu, âpre, essentiellement dramatique, où quelques touches de paprika ne parviennent pas à donner le change. La puissance évocatrice de ce Wallenstein, son caractère noble et somme toute très « grande tradition » (surtout dans une Vienne qui avait vu Salomé depuis assez longtemps) s’opposaient en tout à l’époque du Zeitoper. Weinberger ne savait pas qu’il écrivait là son ultime ouvrage lyrique. L’Operntheater de Vienne lui offrira une création follement luxueuse, relevé d’une affiche stupéfiante : Alfred Jerger dans le rôle-titre, Ester Réthy pour Thekla, Friedrich Ginrod en Max Piccolomini. Une année plus tard Weinberger quittait sa chère Prague, s’exilant aux Etats-Unis où sa muse lyrique dépérira. Wallenstein fut son chant du cygne, ultime manifestation de l’Ancien Monde.

Cornelius Meister a eu raison de ressusciter l’ouvrage, d’autant qu’il s’est entouré d’une belle distribution. Seul bémol, la Prinzessin von Friedland, écrite dardée pour Réthy, n’est pas dans la voix de Martina Weischenbach, seulement charmante ; mais Roman Trekel est admirable par l’engagement, la ligne, l’éclat, Wallenstein ardent, comme la comtesse Terzky de Dagmar Schellenberger, grand caractère – et quelle composition ose Benno Schollum, terrible Wrangel !

Par la qualité de sa facture, par l’actualité de son sujet, cet ouvrage fastueux et important dans la création lyrique autrichienne de l’entre-deux guerres mériterait bien de paraître à nouveau au répertoire.

J.-C.H.