David Johnson (Lord Arthur Savile), Lynne Dawson (Miss Sibyl Merton), Alan Watt (Septimus R. Podger), Anne Collins (Duchess of Paisley), Eirian James (Lady Flora), Donald Maxwell (the Anarchist), John Winfield (Lane), Philip Riley (Merriman), Geoffrey Moses (Sir Thomas, Police Sergeant), Musicians of London, dir. Simon Joly (27 juillet 1986).
CD Lyrita REAM.1131. Livret en anglais. Distribution Outhere.

La nouvelle d’Oscar Wilde, chef d’œuvre d’ironie sur les accidents du destin, devait bien finir par inspirer un de ces opéras de poche dont la littérature musicale d’Albion est si friande. Geoffrey Bush, coutumier de l’exercice (pas moins de six opéras « da camera »), s’empara de ce « crime par occasion » – Lord Arthur Savile faisant passer de vie à trépas Podger, le chiromancien qui avait mis à son mariage la condition qu’il commît un crime. Le croisant par hasard sur un pont de Londres après trois tentatives aussi infructueuses que réjouissantes, il résoudra son dilemme en le précipitant dans la Tamise. Le lendemain les journaux annonceront le suicide du voyant et Lord Arthur pourra convoler en justes noces avec sa dulcinée, Miss Sibyl Merton. En trois scènes qui n’hésitent pas à pratiquer la citation ironique, d’une écriture leste qui prend sa source chez Britten (vous penserez à Albert Herring), l’ouvrage est réjouissant au possible, très finement vu et réalisé, avec son ton de théâtre quasi surréel, ses rythmes désopilants, sa fantaisie par instant lunaire mais le plus souvent caustique.

Tout y est écrit sec et vif, et c’est merveille de disposer enfin de cette diffusion de la BBC où tous excellent, à commencer par David Johnson, si percutant pour exprimer les espoirs et les déconfitures du meurtrier novice. Mais les autres sont également parfaits : la Flora d’Eirian James, qui laisse déjà voir le sacré tempérament d’une artiste majeure de sa génération et trop peu reconnue ; Anne Howells, fabuleuse Duchesse de Paisley, voix somptueuse qui se régale des doubles sens du texte ; l’Anarchiste complètement piqué de Donald Maxwell, dont la bombe ne fera que des étincelles ; et au dessus de tous, dans ses presque premiers pas, Lynne Dawson, délicieuse Sibyl.

Mené grand train par Simon Joly, le petit orchestre s’amuse et nous amuse. Sitôt l’audition des trois scènes terminée, je me replonge dans le récit acéré et désinvolte de Wilde, histoire de vérifier à quel point la plume de Geoffrey Bush est accordée à la sienne. Faites le test vous aussi, vous verrez. Vite, les autres fantaisies lyriques de ce compositeur trop peu connu !

J.-C.H.