Mojca Erdmann (le Rossignol), Evgeny Akimov (le Pêcheur), Marina Prudenskaya (la Cuisinière), Vladimir Vaneev (l’Empereur), Tuomas Pursio (le Chambellan), Fyodor Kuznetsov (le Bonze), Mayram Sokolova (la Mort), Joachim Streckfuss & Hee-Kwang Lee (les Envoyés japonais). Chœur et Orchestre de la WDR Cologne, dir. Jukka-Pekka Saraste (2012).
CD Orfeo C 919 171 A. Notice bilingue (all., angl.). Distr. Harmonia Mundi.


Le premier acte anticipe L’Oiseau de feu, les deux autres succèdent au Sacre du printemps, alors que, d’un bout à l’autre, le volatile ressuscite la Reine de Chemakha du Coq d’or : Le Rossignol oscille entre deux pôles. Un défi pour le chef, qui doit éviter tout éclatement. Jukka-Pekka Saraste le relève, à travers une direction très unitaire, trouvant ainsi l’équilibre entre les chatoiements impressionnistes et les rudesses primitives, qu’il n’exacerbe jamais, pas plus que l’exotisme orientalisant, grâce aussi à la fluidité constante de la pâte sonore. Le Rossignol redevient ainsi le carrefour de l’évolution d’une écriture et conserve son identité : nous entendons bien un conte lyrique. A côté de Cluytens, Stravinsky, Boulez et Conlon, Saraste tient la route.

Vocalement, on n’est pas tout à fait aussi satisfait par ce Rossignol chanté en russe. Mojca Erdmann assume la partie de soprano colorature aigu de l’oiseau, mais l’agilité ne va pas sans une certaine raideur là où l’on attend plus d’aura sensuelle. Un peu trop de raideur également chez le Pêcheur d’Evgeny Akimov, pas assez léger peut-être, guère extasié au début – plutôt l’Innocent de Boris. Mais Marina Prudenskaya en Cuisinière, c’est du luxe et Vladimir Vaneev incarne l’un des meilleurs Empereurs qui soit.

Bonus aux antipodes l’un de l’autre : les désopilants Pribaoutki de 1914 par Katrin Wundsam, au plus près du folklore russe, précèdent les Deux poèmes de Verlaine de 1910, très proches de l’impressionnisme fin-de-siècle, par un Hans Christoph Begeman à l’articulation pâteuse. On aurait pu ici se montrer plus généreux : cinquante-deux minutes pour un CD…

D.V.M.