Romina Basso (Dorilla), Serena Malfi (Elmiro), Marina de Liso (Nomio), Lucia Cirillo (Filindo), Sonia Prina (Eudamia), Christian Senn (Admeto), I Barocchisti, Chœur de la Radiotélévision suisse, dir. Diego Fasolis (2017).

CD Naïve OP30560. Notice en anglais. Distr. Naïve.

Bonne nouvelle : l’édition Vivaldi, vouée à l’exploration de l’inépuisable Fonds Foà de Turin et qui en est à son 55e volume, renaît de ses cendres ! Et fait un excellent choix avec cette Dorilla in Tempe, l’un des titres les plus délicieux de Vivaldi – peut-être parce qu’il n’est pas entièrement de Vivaldi… En effet, bien que cet opéra ait été d’abord créé en 1726, alors que le Prêtre roux donne dans son Sant’Angelo quelques-uns de ses plus fameux ouvrages (Farnace, dû au même librettiste que Dorilla, puis Orlando furioso), nous n’en avons conservé qu’une partition tardive : dans cette réfection de 1734, le Vénitien, pour retenir un public désormais séduit par les sirènes napolitaines, remplace 8 de ses propres airs par des morceaux empruntés aux stars métastasiennes de l’époque – Hasse, Giacomelli Leo et Sarri. Certes, le livret ne présente guère d’intérêt : sauvée du Python par Apollon, qui a pris l’apparence de Nomio, Dorilla est sommée par son père Admeto de l’épouser, bien qu’elle aime déjà un autre berger, Elmiro – lui-même poursuivi par Eudamia, après laquelle soupire Filindo…. Mais la musique, qui mêle pages vivaldiennes piquantes (« Al mio amore » d’Eudamia, « Come l’onde » de Dorilla et le célébrissime « Il povero mio core ») à des airs galants tantôt époustouflants de virtuosité (« Fidi amanti » de Nomio), tantôt suffocants de sensualité (« Vorrei dai lacci » d’Elmiro), passionne constamment.

Gilbert Bezzina avait déjà enregistré de l’œuvre une version légèrement différente, gâchée par un orchestre et quelques voix précaires (Pierre Vérany, 1993) – notons qu’il y transposait le rôle d’Elmiro pour l’excellent ténor John Elwes, afin d’éviter de se retrouver, comme Fasolis ici, face à cinq mezzos et un baryton ! Fasolis dispose certes de troupes plus aguerries (chœur et instrumentistes superlatifs) ; néanmoins, la réussite n’est que partielle. D’abord, on ne peut défendre, au disque, la coupure de trois da capo, intervenant en outre dans des airs ravissants qu’elle défigure. Ensuite, même si l’on admire l’incisivité du chef suisse, sa rythmique puissante, son sens de la dynamique orchestrale et son brio (dans les arias de bravoure de l’acte III et dans une chasse des plus féroces, à l’acte II), on regrette que ce viril panache ne s’assouplisse pas davantage lors des moments d’introspection : Marina de Liso, excellente dans la virtuosité, semble dès lors scolaire et corsetée dans le languide « Bel piacer ». Lucia Cirillo, confrontée à des tempi frénétiques, peine aussi dans un rôle redoutable conçu pour le castrat Nicolini. Si Christian Senn et Sonia Prina apparaissent parfaitement distribués, nous sommes toujours aussi allergique, dans les récits, aux notes poitrinées et effets de soufflet de Romina Basso (dont le chant se fait heureusement moins vulgaire dans les airs). C’est finalement Serena Malfi qui, malgré un timbre passe-partout, parvient le mieux à concilier bel canto et expression, au sein d’une lecture dont les gestes volontaristes étouffent parfois l’émotion…

O.R.