Sophie Rennert (Lotario), Marie Lys (Adelaide), Ursula Hesse von den Steinen (Matilde), Jorge Navarro Colorado (Berengario), Jud Perry (Idelberto), Todd Boyce (Clodomiro), FestspielOrchester Göttingen, dir. Laurence Cummings (2017).

Accent ACC 26408. Notice en anglais. Distr. Outhere.

 

Après une quarantaine d'années de redécouverte haendélienne, qui veut aujourd'hui enregistrer l'un des opéras du Saxon se trouve confronté à un choix simple : soit il s'attaque à l'un des « tubes » (Alcina, Giulio Cesare, Ariodante, Rodelinda, etc.), quitte à affronter une rude concurrence ; soit il se consacre à une œuvre moins connue mais qui a des chances de l'être pour de bonnes raisons. Cummings fait aujourd'hui le second choix, et il faut l'admettre : Lotario (1729) est une partition mineure. Un an après ce que l'on a indûment nommé la « première faillite » de l'Academy of Music fondée par lui, Haendel la ressuscite avec une distribution vocale entièrement renouvelée, qu'il est allé spécialement recruter en Italie afin de remplacer les Cuzzoni, Faustina, Senesino et autres Boschi qui l'ont quitté. Le premier ouvrage qu'il confie à cette nouvelle équipe (la soprano Strada, le castrat Bernacchi, la contralto Merighi, le ténor Fabri) apparaît soigné mais précautionneux, grevé de trop de morceaux passables (pour le rôle-titre, notamment) et, pour tout dire, un peu grisâtre. La faute en incombe surtout au livret, pourtant inspiré de l'excellent dramaturge Antonio Salvi, qui fige face à face deux camps/couples ennemis (les méchants Berengario et Matilde contre les gentils Lotario/Adelaide, le fils des premiers, Idelberto, faisant constamment la navette entre les deux partis), sans parvenir à faire évoluer les personnages. Restent quelques pages pathétiques pour la Strada (future Partenope, future Alcina), les airs toujours furieux de la Merighi (future Rosmira) et les coloratures échevelées réservées à Fabri (futur Emilio).

Au fil de son marathon haendélien des dernières années, Alan Curtis n'avait enregistré qu'une version allégée de l'œuvre (DHM, 2004). Cummings rétablit la plupart des da capo omis par son prédécesseur mais coupe un chœur de l'acte I. C'est peu dire que l'enthousiaste chef actuel du Festival de Göttingen - déjà applaudi pour ses intégrales de Siroe ou Agrippina, chez le même éditeur, sans compter Faramondo - l'emporte ici sur le pâle Curtis : dès l'Ouverture, on apprécie l'énergie et le naturel de cette baguette - captée live et en scène, il est vrai -, habile à mettre en valeur les divers plans sonores de son recommandable orchestre. La distribution de Cummings, cependant, ne peut se comparer à celle de son rival, même si son Adelaide, franche et fraîche, et son Berengario, au grave hélas fragile, vocalisent à ravir (jouissif « Scherza in mar », impressionnant « Regno e grandezza »), et si le contre-ténor incarnant Ildeberto se montre émouvant dans les récits (dans les airs, ça se gâte un peu...). Curtis disposait pour sa part d'un Lotario autrement charismatique (Sara Mingardo), d'une Matilde plus incisive (Sonia Prina) et d'un Clodomiro de luxe (Vito Priante, très supérieur au baryton qui s'époumone ici). Lecture vivante (Accent) ou distribution de prestige (DHM) ? Entre les deux, le débat reste ouvert...

O.R.