Diana Damrau (Lucia), Charles Castronovo (Edgardo), Ludovic Tézier (Enrico), Kwangchul Youn (Raimondo), Peter Hoare (Normanno), Taylor Stayton (Arturo), Rachael Lloyd (Alisa). Chœur et Orchestre du ROH Covent Garden, dir. Daniel Oren, mise en scène : Katie Mitchell (Londres, 07/04/2016).

DVD Erato. Notice et argument trilingues, dont français. Distr. Warner Music.

 

Lucia héroïne romantique lunaire ? Pas pour Katie Mitchell, qui croit toujours trouver du nouveau au fond de l'inconnu et souvent n'apporte rien. Voici la fiancée de Lammermoor têtue et rebelle, très prompte à chevaucher Edgardo au bord de la fontaine, déniaisant son mari poings liés avant de le larder de coups de couteau pendant qu'Alisa achève la besogne en l'étouffant ou en l'étranglant. Comme elle est enceinte, elle vomit dans les toilettes... et fait une fausse couche avant de se tailler les veines dans son bain. La mise en scène veut débusquer la violence du drame - qu'elle dégrade en banal fait divers bourgeois - mais sombre dans une grandiloquence risible dont la pauvre Lucia fait les frais. Cela se veut féministe et provocant et ça n'est que grotesque. Dommage : le décor double fonctionne bien, qui montre ce qui en général n'est que raconté, et les lumières sont très belles.

Rien à voir, (mal)heureusement, avec la musique. Diana Damrau a fait de Lucia un de ses grands rôles, mais il lui manque l'art de la coloration et du cantabile extatique ; la voix s'est corsée mais les aigus se sont durcis : si l'on ne cherche pas une interprétation belcantiste, on pourra toujours se laisser émouvoir. Charles Castronovo, en revanche, campe un très séduisant Edgardo, par la souplesse lumineuse de l'émission, l'élégance d'un phrasé qui ne se délite pas dans la vaillance, vrai héros romantique pour le coup, fougueux et brisé. Ludovic Tézier est anthologique, qui sait concilier la noirceur perverse d'Enrico avec une ligne d'une beauté jamais entachée. On aimerait le noble Raimondo de Kwangchul Youn s'il ne trémulait pas autant. Fidèle à lui-même, Daniel Oren trouve des couleurs et des galbes capiteux, mais se prend parfois à leur piège, avec ces fluctuations agogiques auxquelles il peut succomber.

D.V.M.