Detlef Roth (Amfortas), Sir John Tomlinson (Gurnemanz,), Reinhard Hagen (Titurel), Tom Fox (Klingsor), Lars Cleveman (Parsifal), Katarina Dalayman (Kundry), Hallé Youth Choir, Royal Opera Chorus, Trinity Boys Choir, The Hallé Orchestra, dir. Sir Mark Elder (live, 2013).
CD Hallé HLD 7539. Distr. Outhere.

 

Sir Mark Elder, qui avait dirigé Les Maîtres Chanteurs à Bayreuth en 1981, s'est depuis forgé (en Grande-Bretagne surtout) une réputation wagnérienne non usurpée. De fait, il est aujourd'hui considéré comme le meilleur chef wagnérien anglais, à la suite de son mentor Edward Downes et de Reginald Goodall dont il avait pris la succession à l'ENO comme chef wagnérien attitré. De même, depuis qu'il a repris en 1999 la direction musicale du Hallé Orchestra, Wagner lui a servi d'aune de mesure des acquis de la requalification d'un orchestre qu'il a reconstruit pas à pas. En témoignent depuis 2003 des concerts magistraux édités en CD, comme un Ring commencé en 2009 et dont Die Walküre et Götterdämmerung précèdent un Siegfried qui sera le prochain jalon de l'entreprise. Et si le Lohengrin capté au Concertgebouw d'Amsterdam doit d'exister au forfait d'Andris Nelsons, ces réalisations, sans s'imposer au faîte de discographies richissimes - faute surtout de quelques interprètes absolus -, n'en sont pas moins de belles démonstrations d'un art de la direction incontestable.

Ce nouveau Parsifal, qui doit être le 41e de la discographie, a été réalisé avec le même Hallé à l'été 2013 et capté aux Proms londoniennes. Il confirme la haute tenue de l'orchestre de Manchester redevenu l'une des premières phalanges de Grande-Bretagne. La direction d'Elder est assurément étale : avec 4 h 20, elle s'inscrit dans les durées de Knappertsbusch à Bayreuth (de 4 h 31 en 1951, la plus lente, à 4 h 08 en 1958, la plus rapide), loin des ardeurs d'un Strauss ou d'un Boulez ; mais, si l'on ne contestera pas la beauté du son de l'orchestre de Manchester, on ne trouvera pas ici la tension et l'émotion que le vieux chef allemand savait associer à son sens de la durée. Si le contenu est évidemment respecté en matière d'onction, de bain sonore, d'aura quasi religieuse, la progression dramatique manque quelque peu aux actes I et III, et une certaine langueur qui finit par être pesante envahit la rythmique et l'architecture générale de l'acte I en particulier - faute aussi d'un Gurnemanz capable d'en tenir les lenteurs. L'acte II s'anime beaucoup plus, heureusement, jusque dans un duo enflammé, et l'acte III s'appuie sur les splendeurs orchestrales pour emplir le Vendredi Saint d'une réelle émotion.

Mais en fait, si le bât blesse, c'est que pratiquement toute la distribution n'est pas à la mesure de la battue. S'il s'agit là d'interprètes confirmés, l'usure s'affiche ostensiblement chez Gurnemanz et Parsifal. John Tomlinson, célèbre Wotan, excellent Gurnemanz voici 10 ans encore, n'est plus qu'une ombre : timbre rauque, aigu éteint, vibrato envahissant, il est à la peine avec le souffle dans une direction aussi lente : trop tard, vraiment. Lars Cleveman, excellent Siegfried dans l'enregistrement de Götterdämmerung déjà cité, offre en 2013 un timbre trop mûr pour le rôle du Chaste Fol dont il n'a ni le moelleux ni la jeunesse impérative. À froid, s'ajoutent une nasalité désagréable et des sons bien ingrats. Si le duo de l'acte II le montre plus chaleureux, l'acte III manque de la séduction vocale requise. Dethlef Roth affiche lui aussi une nasalité trop présente, mais sans que cela détruise l'impact de son Amfortas qui demeure prégnant. Ni le Titurel de Reinhard Hagen, ni le Klingsor de Tom Fox, assez incertain, ne marquent leur bref passage. Reste alors la Kundry de Katarina Dalayman, très à l'aise en revanche. Libérée de tout handicap vocal, contrairement à ses partenaires, elle s'investit à fond pour offrir un personnage complexe, à la fois très féminin et hautement dramatique.

Mais écoute-t-on Parsifal pour Kundry et l'orchestre seulement, quand une quinzaine d'autres versions sont aussi parfaitement distribuées en matière vocale que dirigées et jouées en fosse ? C'est toute la question... que pose un enregistrement témoin, mais pas vraiment indispensable.