Cyrille Dubois (Pygmalion), Marie-Claude Chappuis (Céphise), Céline Scheen (la Statue), Eugénie Warnier (l'Amour), Les Talens Lyriques, dir. Christophe Rousset (2017).

CD Aparté AP155. Notice en français. Distr. Harmonia Mundi.

Pour peu que paraisse un ténor aigu capable de chanter les rôles de haute-contre composés par Rameau pour l'ineffable Pierre de Jélyotte, grande est la tentation de lui faire enregistrer celui de Pygmalion - pas le plus long, sans doute, mais l'un des plus valorisants, des plus complexes, des plus inoubliables. John Elwes, Howard Crook, Jean-Paul Fouchécourt, Paul Agnew, plus récemment Ed Lyon et Mathias Vidal, tous ont eu pour ambition d'incarner le sculpteur amoureux de sa propre créature. Face à ces concurrents, Cyrille Dubois ne démérite pas, bien au contraire : en ce qui concerne le timbre (clair, radieux), le placement (haut), la tessiture et l'élocution (superlative), il paraît idéalement taillé pour le rôle. Du moins le sera-t-il peut-être dans quelques années. Car la partition, impitoyable, réclame bien d'autres atouts qu'une belle voix. Une certaine familiarité avec le style baroque, notamment, ou, à défaut, l'appui d'un chef capable d'y suppléer. Ce qu'on ne trouve pas ici - faute de répétitions, d'osmose entre chef et ténor ? La voix du Bon Dieu de Dubois - passés les premiers mots, enchanteurs - paraît sous employée : bien scolaire sonne parfois le phrasé (« mais devais-je le devenir ? »), timide, l'emploi des notes inégales, de la sprezzatura, imprécis le dessin des ornements (les redoutables « échelles » de « L'Amour triomphe » !), dénuée de panache la messa di voce de « Règne, Amour » (durant laquelle l'on ne doit pas seulement tenir, mais encore enfler puis éteindre la note).... Rien qui n'aurait pu être corrigé par un travail plus poussé. Comme souvent, la battue de Rousset, corsetée par le rythme, manque de liberté, de souplesse. Son orchestre (et, notamment, ses cordes) ne s'est d'ailleurs guère amélioré, malgré l'activité soutenue de ces dernières années : que l'on compare la présente Ouverture avec celle gravée par les Talens Lyriques pour L'Oiseau-Lyre, en 1997... Alors, les rôles féminins ont beau être plutôt convaincants (mais moins caractérisés que chez Christie, chez Harmonia Mundi, en 1991), le complément de programme plutôt roboratif (mais, là encore, plus clinquant que sensible), on reste fidèle à l'ancienne version Leonhardt (DHM, 1981), pourtant confiée à des voix moins idiomatiques.

O.R.