Michael König (Max), Sara Jakubiak (Agathe), Georg Zeppenfeld (Kaspar), Christina Landshamer (Ännchen), Albert Dohmen (Kuno), Adrian Eröd (Ottokar), Andreas Bauer (l'Ermite), Staatskapelle de Dresde, dir. Christian Thielemann, mise en scène : Axel Köhler (Dresde, 2015).

DVD C Major 733108. Distr. Harmonia Mundi.

 

Le Freischütz à Dresde, c'est un monument du patrimoine : après tout, c'est là que l'œuvre a été composée et, si le théâtre dont Weber était maître de chapelle laissa la création lui échapper au profit de Berlin en 1821, la capitale saxonne la joua dès 1822. La dernière nouvelle production datant de 1985, c'est donc trente ans après que Christian Thielemann, directeur musical du Semperoper, en programmait une nouvelle. Las, Serge Dorny s'étant heurté au maestro et n'ayant pu prendre ses fonctions de directeur général pour moderniser l'une des maisons les plus conservatrices du monde, on doit se contenter d'une production bien terne. Signée d'un ancien contre-ténor reconverti en directeur d'opéra et metteur en scène, elle n'épargne aucun poncif : ceux du bon vieux fonds paysan comme les clichés de Dresde bombardée pour illustrer la Gorge aux loups. Spectacle aussi sinistre qu'esthétiquement impersonnel et peu stimulant sur le plan théâtral, les chanteurs étant plantés à la rampe pour chanter leurs airs. On s'en désintéresse donc assez vite pour se concentrer sur la distribution.

Malheureusement, celle-ci offre peu de pépites. Le Max de Michael König ne manque pas de vaillance mais il sonne un peu trop comme un Heldentenor sur le retour, là où l'on attendrait un ténor romantique stylé, à mi-chemin entre Tamino et Lohengrin. La prosaïque Sara Jakubiak n'est qu'honnête en Agathe, dont elle a toutes les notes mais à aucun moment cette flamme intérieure qui propulse la ligne et le souffle vers les cimes et évoque la palpitation du sacrifice. On rachètera donc surtout les comparses, le Kaspar particulièrement prenant de l'exceptionnel Georg Zeppenfeld, l'Ännchen piquante et musicienne de Christina Landshamer, le Kuno solide mais routinier d'Albert Dohmen. Autant dire que l'on décide assez vite de se concentrer sur l'orchestre, la Staatskapelle ayant toujours eu les couleurs exactes de cette musique, on le sait depuis un certain Carlos Kleiber. De fait, Christian Thielemann la fait sonner avec son art consommé de grand Kapellmeister, et l'on entend dès l'ouverture une pâte sombre et dorée, une patine qui ravira les amoureux du beau son allemand. Cette opulence séduisante (wagnérienne ?) s'exerce malheureusement au détriment des frémissements romantiques, des élans amoureux et des crises d'angoisse qui se succèdent dans une partition soudain trop lissée, comme embourgeoisée. Un Freischütz pour le son d'orchestre, c'est trop peu.

C.M.