Silvia Dalla Benedetta (Bianca), Maxime Mironov (Gernando), Luca Dall'Amico (Carlo), Vittorio Prato (Filippo), Zong Shi (Clemente), Marina Viotti (Viscardo), Gheorge Vlad (Uggero), Mar Campo (Eloisa), Virtuosi Brunensis, Camerata Bach Poznan, dir. Antonino Fogliani (live, Bad Wildbad, juillet 2016).

CD Naxos 8. 660417-18. Distr. Outhere.

 

Dieu que Messieurs les censeurs sont bêtes ! Rebaptiser Gernando le héros initial du deuxième opéra bellinien, Fernando, afin d'éviter tout fâcheux rapprochement avec le roi de Naples victime de Napoléon puis de l'insurrection de 1820, auquel on le dédiait, frôle le ridicule.

En exhumant la partition originale de cet ouvrage créé en 1826 et connu du grand public sous le titre de Bianca e Fernando qui lui fut restitué à la faveur de la reprise de Gênes deux ans plus tard, le festival de Bad Wildbad est dans son rôle... post-rossinien ! La première version de ce melodramma en 2 actes est en effet encore tributaire du grand Gioachino, tout comme l'Adelson e Salvini expérimental qui l'avait précédé. Initialement les rôles éponymes auraient dû revenir à la soprane Adelaide Tosi et au ténor Giovanni David, flanqués de Lablache dans le rôle de l'inévitable traître. Le contraltino rossinien incarnant un souverain chassé du trône par la vilenie d'un usurpateur était censé s'employer vaillamment à arracher sa sœur aux griffes d'icelui bientôt châtié pour sa traîtrise. Des troubles politiques ayant contraint au report de la première publique (à cinq mois), le San Carlo napolitain leur substitua Rubini et Méric-Lalande, future Imogène du Pirate, toujours aux côtés de Lablache. L'opéra conservait à ce stade sa filiation belcantiste et ses audaces musicales alla Beethoven, au fil d'un discours sous-tendu par une urgence déjà très romantique. Le maestro Fogliani imprime d'ailleurs à ses Virtuosi Brunensi cette ardeur nécessaire à muscler un discours que leurs cordes laisseraient sinon s'étioler quelque peu, ardeur que le chœur Bach de Poznan tend à surjouer.

En Gernando, le très délié Mironov conjugue sensibilité à fleur de peau et de timbre, ardeur vocalisante aux aigus faciles, avec un timbre clair évocateur de David sans doute plus que du suave Rubini. La basse claire Vittorio Prato tire son héros malfaisant vers la tessiture de baryton moderne, à la peine dans ses vocalises. Par bonheur l'ensemble des seconds rôle, dominé par le mezzo travesti de Marina Viotti, confère au plateau l'unité que vient compromettre la voix trémulante d'une Bianca immature. En comparant le premier état de ces pages à la mouture réalisée pour Gênes avec le concours du librettiste Romani, on note à quel point cette dernière marquera un degré supplémentaire dans l'évolution du compositeur vers l'opéra foncièrement romantique, son héroïne offrant même à Norma le dessin vocal de sa plus célèbre cabalette « Ah, bello a me ritorno ». N'importe, on prend un réel plaisir à découvrir la présente ébauche, plus que prometteuse, ne serait-ce qu'en son prélude original, ses cavatines à variations, le gracieux duo de Bianca et de sa suivante Eloise, ou encore les scènes de vaillance ou de lyrisme dévolues au ténor. Pour les amoureux de Bellini, et les autres !

J.C.