Klaus Florian Vogt (Parsifal), Elena Pankratova (Kundry), Ryan McKinny (Amfortas), Georg Zeppenfeld (Gurnemanz), Gerd Grochowski (Klingsor), Karl-Heinz Lehner (Titurel), Chœur et Orchestre du Festival de Bayreuth, dir. Hartmut Haenchen, mise en scène : Uwe Eric Laufenberg (Bayreuth 2016).
DVD Deutsche Grammophon 04400735350. Distr. Universal.

 

Les chrétiens, assiégés dans la chapelle du krak des chevaliers, célèbrent le Graal, guidés par Amfortas, couronne d'épines et en croix - le Christ contre l'islam qui occupe évidemment tout l'acte de Klingsor, partagé entre la recherche de la Mecque et un mur de croix, femmes en abaya avant de se transformer en courtisanes de harem baignant le chaste fol, Kundry se chantant à elle-même « Ich sah das Kind », à quoi s'ajoutent des vidéos parfois réussies - comme lorsque Parsifal «visionne » la blessure d'Amfortas - et la présence tout du long d'un étrange spectateur immobile assis au dessus de la nef : Dieu peut-être ? Au troisième acte, le christianisme est quasi défait : les chevaliers ont abjuré leur foi, sont passés à l'islam ou au judaïsme, avant que Parsifal ne revienne placer sa lance brisée dont il s'est fait une croix à l'aide d'une bannière tibétaine dans le cercueil de Titurel. Syncrétisme ultime ou vision de l'avenir du « vieux Monde » ? Tout cela, aisément démarqué d'une actualité encombrante qui s'invite si volontiers dans les nouvelles régies de Parsifal, ne compterait guère si, à la fin du troisième acte, Laufenberg ne dépouillait totalement la scène, les murs de l'église cédant - fin des religions que semble proclamer un chœur apaisé, les lumières revenant dans le Festpielhaus avant même que les derniers accords s'éteignent.

Et la musique ? Hartmut Haenchen fait son orchestre clair et tranchant, très allant, poursuivant dans la veine que Pierre Boulez initia sur la Colline sacrée dès 1966, sans trouver vraiment d'écho auprès de ses chanteurs sinon chez le Gurnemanz de Georg Zeppenfeld, lequel délivre une leçon de chant admirable. Au point que parfois l'on entend deux discours, celui de la scène et celui de la fosse. Ryan McKinny embrasse avec passion le destin d'Amfortas, il semble échapper à la direction d'acteurs appuyée dont Laufenberg aura affublé les héros de sa parabole et impose un vrai personnage dont le verbe s'incarne dans une voix souvent somptueuse. Le chant wagnérien aurait-il gagné un nouveau héros ? En revanche, Gerd Grochowski sonne bien âpre, Klingsor perdant sa voix en cours de route, et Elena Pankratova rugit mais peine à chanter ses lignes jusqu'au bout : l'actrice, assez formidable - il faut la voir errant au troisième acte -, rembourse de la chanteuse. Sur cette assemblée inégale, Vogt chante de son ténor si haut, si clair, clairon de laiton, avec dans l'intonation comme des souvenirs de Karl Erb, un Evangéliste, correspondance qui va assez bien au jeune fol.

La soirée est tout sauf historique mais se regarde avec attention grâce à une captation précise (Markus Spona). Si Andris Nelsons, pressenti pour ce Parsifal, n'avait pas renoncé, l'eût-elle été ? Peu probable.

J.-C.H.