Magnus Pionteck (Rübezahl), Johannes Beck (Burko), Anne Preuss (Gertrud), Hans-Georg Priese (Wildo), Jueun Jean (Bernhard Kraft), Kai Wefer (Otto Kettner), Alexander Voigt (Hieronymus Stäblein), Chœur de l'Opéra de Thuringe, Orchestre Philharmonique d'Altenburg-Gera, dir. Laurent Wagner (live, 2016).

CD Pan Classics PC 10397. Distr. Outhere.

Redécouvert voici peu par le disque - Tudor a fait paraître un programme de mélodies avec orchestre remarqué, le Trio Image s'est penché sur sa musique de chambre -, Hans Sommer, mathématicien de profession et portant la science au niveau d'un art, fut détourné de sa vraie nature, plus musicale. Mais rien n'y fit, les équations cédèrent la place à l'harmonie, la musique devint sa vie. Dix opéras, écrits avec une virtuosité certaine et un esprit piquant dont témoigne Rübezahl, détournement tardif de la légendaire créature des alpes germaniques, forment entre 1890 et 1910 la colonne vertébrale d'un grand œuvre passionné par la voix - et Dieu !, qu'il écrit bien pour elle ! Que ce soit dans le parlando ou dans l'arioso, il sait la faire d'abord théâtre, même lorsqu'il anime les chœurs. Wagner l'estimait, il le pille, mais entendant tout des modernes : Rübezahl lance ses persiflages, ses ruses, ses malices et ses sortilèges avec un élan pris à Richard Strauss, l'ensemble est si virtuose que vous vous en apercevrez à peine. En plus, Sommer ose que ce Strauss ne voulut jamais : une grande basse pas seulement buffa pour le rôle-titre où Magnus Pionteck, enregistré live, se révèle splendide. Son antagoniste, Burko, qui cite Beckmesser, s'incarne dans le baryton presque trop stylé de Johannes Beck. Mais Wildo, écrit comme un petit Siegfried, peine dans le gosier de Hans-Georg Priese. Peu importe : l'ouvrage tient, s'écoute avec attention, car Sommer sait écrire son orchestre, et l'alliance de comique et de tragique maintient tout en équilibre sur un fil, l'oreille ne s'en lasse jamais. Et puis entendez un peu ces valses dont il pimente l'intrigue et ses péripéties. Huit ans avant le Rosenkavalier, si ce n'est pas de la prescience ! Ce « compteur de navets »-là (traduction de « Rübezahl »), décidément, est un enchanteur.

J.-C.H.