Simone Alberghini (Adelson), Daniela Barcellona (Nelly), Enea Scala (Salvini), Maurizio Muraro (Bonifacio), Rodion Pogossov (Struley), David Soar (Geronio), Kathryn Rudge (Fanny), Leah-Marian Jones (Mma Rivers), BBC Symphony orchestra, Opera Rara Chorus, dir. Daniele Rustioni (concert, 2017).

CD Opera Rara ORC 56. Distr. Harmonia Mundi.

Le premier opéra de Bellini, encore élève du Conservatoire de Naples où il est plébiscité en 1825, adopte, en cette institution encore marquée par Rossini et malgré Zingarelli, le genre semiseria issu de la comédie à sauvetage, avec dialogues parlés en dialecte local. Le sujet, qui s'apparente à celui d'une nouvelle française du XVIIIe siècle, manière de roman noir teinté de gothique et revisité par le librettiste "maison" Tottola, a pour cadre l'Irlande des années 1600. Salvini, peintre romain, se trouve être le protégé de Lord Adelson, fiancé de Nelly - qu'il convoite lui-même passionnément -, alors que Struley, l'oncle de la jeune fille, banni d'Irlande, cherche à enlever celle-ci en jouant de cette rivalité. Après force manœuvres, fausses lettres et rebondissements mélodramatiques - dont un spectaculaire incendie, un suicide et un assassinat ratés -, Adelson pardonnera à Salvini et pourra enfin épouser Nelly. Classiquement découpé en airs, duos et ensembles, l'ouvrage, empreint de sentimentalité romantique et d'un dramatisme au second degré, préfigure les opéras majeurs du musicien tout en avouant une évidente filiation rossinienne.

Finales concertants, duos expressifs, coloratura des arie trouvent d'ailleurs en Daniele Rustioni, à la tête d'un orchestre et de chœurs pétillants, un direttore concertatore à la hauteur des enjeux musicaux de cette œuvre prometteuse. L'édition critique de la partition, qui fut remodelée en 1826-29 et dont il existe moult fragments et airs alternatifs, dont certains offerts ici en appendice, confère à cette version, troisième d'une improbable discographie, une valeur de référence musicologique, assortie d'une notice savante.

La distribution de ce concert appelle toutefois précisions et réserves. On relèvera tout d'abord que les rôles féminins avaient été créés par des garçons de 15 ans pré-pubères, altos pliés à la technique des roulades, aux côtés d'autres élèves du Conservatoire de Naples. Daniela Barcellona épouse quant à elle la vocalité de Nelly avec bonheur, notamment celle de la cavatine "Dopo l'oscuro" appelée à figurer comme romance de Giulietta dans les Capuleti et dont une Garanca ou une Di Donato font leur miel en récital. En Fanny, pupille d'Adelson, la mezzo Kathryn Rudge nous paraît toute de timide retenue. Quel dommage, en revanche, que Lawrence Brownlee ait dû céder Salvini à l'impossible Enea Scala, une fois encore desservi par la laideur de son timbre, ses contre-notes et sa vocalisation éprouvantes pour l'oreille. Adelson ne fait guère mieux dans l'agilité et pèche par manque de couleurs et de relief. Autour, on assure: le traître Bonifacio, en particulier, syllabise à souhait. Un essai bellinien qui reste à transformer.

J.C.