Dagmar Schellenberger (Viktoria), Michael Heim (Stefan Koltay), Andreas Steppan (John Cunlight), Andreas Sauerzapf (Janczi), Katrin Fuchs (Riquette), Peter Lesiak (Ferry), Verena Barth-Jurca (O Lia San), Orchestre et Chœur du Festival de Mörbisch, dir. David Levi (live, 2016).

CD Oehms classics OC454. Notes et synopsis en allemand et en français. Pas de livret. Distr. Outhere.

Du compositeur hongrois Paul Abraham (1892-1973), on retient surtout deux opérettes : Viktoria et son hussard, créée à Budapest en 1930, et La Fleur d'Hawaï, donnée l'année suivante à Leipzig. Mêlant allègrement dans ses partitions czardas, valses, rythmes de foxtrot et de jazz, il possède un sens indéniable de la mélodie et un talent certain d'orchestrateur, sans jamais atteindre à une grande subtilité d'inspiration. Sa musique se laisse néanmoins entendre sans déplaisir, comme en fait foi cette Viktoria, que Paris découvrit en 1933 au Moulin-Rouge sous le titre Cœurs de Vienne. Le Festival lacustre de Mörbisch a présenté l'ouvrage d'abord en 1960 et en 1973, avant de la reprendre à l'été 2016.

Pour apprécier davantage une œuvre au livret improbable qui, de la Sibérie au Japon en passant par la Russie puis la Hongrie, montre comment l'épouse d'un ambassadeur américain finit par retrouver un amour de jeunesse, il faudrait toutefois une distribution autrement satisfaisante que celle réunie en juillet dernier par les soins de Dagmar Schellenberger. Directrice du Festival de Mörbisch, cette dernière interprète avec sensibilité une Viktoria stylée aux beaux aigus planants. On se demande cependant où diable elle a pu aller chercher son équipe. À l'exception de la délicieuse O Lia San de Verena Barth-Jurca, très amusante  dans le duo « Mausi », le reste de la distribution laisse pantois en raison de son amateurisme. Ainsi du Hussard de Michael Heim qui s'égosille et s'étrangle carrément dans l'aigu, et de l'Ambassadeur d'Andreas Steppan, chanteur de charme dépourvu de toute technique. Si l'on ajoute que l'amplification des voix crée un effet de réverbération quelque peu gênant et que le chœur manque singulièrement d'homogénéité, on comprendra que la distribution est rien moins qu'idéale. La direction haletante de David Levi ne peut sauver de la quasi-débâcle un enregistrement qui, avec un total de 74 minutes, offre de surcroît une version extrêmement tronquée de l'opérette. Dans l'attente d'une intégrale de référence, on se consolera en écoutant Jonas Kaufmann (accompagné de la soprano Julia Kleiter) qui, dans son album Du bist die Welt für mich (Sony), chante avec beaucoup de sensualité le duo « Reich mir zum Abschied noch einmal die Hände » et un extrait de La Fleur d'Hawaï.

L.B.