Plácido Domingo (Francesco Foscari), Francesco Meli (Jacopo Foscari), Maria Agresta (Lucrezia Contarini), Maurizio Muraro (Jacopo Loredano), Samuel Sakker (Barbarigo), Rachel Kelly (Pisana), Lee Hickenbottom (Fante), Dominic Barrand (Un serviteur du Doge), Chœur et Orch. du ROH Covent Garden, dir. Antonio Pappano, mise en scène : Thaddeus Strassberger (Londres, 27 oct. 2014).

DVD Opus Arte OA 1207 D. Notice et synopsis trilingues. Distr. DistrArt Musique.

Créée en 2012 au Los Angeles Opera, le fief de Plácido Domingo - qui le dirige et y dirige -, cette production marque une nouvelle prise de rôle pour le ténor-désormais-baryton. Avec toute l'admiration que l'on a pour l'artiste et pour son implication expressive dans le personnage, indéniable au vu de cette captation vidéo, on peine à se convaincre de l'adéquation entre son timbre encore si ténorisant et ce personnage de père verdien et chenu, d'autant qu'un vibrato un peu trémulant point ici ou là. Manque la profondeur du baryton verdien, et cette perspective de tessiture qui seule peut donner aux aigus leur mordant sanglant, générateur d'angoisse ou de terreur, au lieu de les situer paradoxalement, comme ici, dans la zone de confort de l'interprète, les privant dès lors de relief dramatique.

Autour de Domingo la famille Foscari tient son rang, d'abord avec une Lucrezia Contarini dignement incarnée par Maria Agresta, qui surveille son chant mais investit son jeu, ensuite et surtout par le remarquable Jacopo de Francesco Meli : italianità souple et fière, style châtié, nuances raffinées, projection éperdue quand il le faut, tout y est. Le reste du plateau est homogène et de qualité, et l'on est heureux d'entendre la rare partition de Verdi servie par l'Orchestre de Covent Garden, sous la direction éloquente de Pappano qui en fait ressortir les moindres détails et lui confère une puissance narrative neuve.

La mise en scène de Thaddeus Strassberger, en revanche, mixe sans pertinence l'académisme (une direction d'acteurs appuyée, alourdie par les monumentaux costumes Renaissance de Mattie Ullrich), la noirceur (décors fermés et sombres de Kevin Night) et une tendance illustrative allant du kitsch (les festivités de la Place Saint-Marc) à l'outrance (les tortures, le meurtre du petit-fils Foscari). Pour Verdi, on reviendra au DVD Brilliant documentant la production de Milan 1988 (Gavazzeni/Pizzi, avec Renato Bruson). Pour Meli - et pour l'incroyable saga « Domingo » -, on conservera celui-ci dans sa collection...

C.C.