Adrien Mathonat, Boglaka Brindas et Margarita Polonskaya. © Vincent Lappartient @Studio j'adore ce que vous faites

Instantané de début de résidence, le concert d’ouverture de l’Académie de l’Opéra de Paris est une façon de prendre date avec les jeunes chanteurs que l’on pourra ensuite suivre pendant deux saisons. D’un très bon niveau global, le recrutement interroge : si certains sont déjà de jeunes professionnels chevronnés – y compris parmi les nouveaux arrivants de la saison – d’autres semblent encore en cours de perfectionnement – ce qui, après tout, est aussi la mission d’une Académie. On peine néanmoins à comprendre la ligne artistique de l’Académie : tremplin ou prolongement des études ?

Honneur aux nouveaux arrivants : Boglaka Brindas et Thomas Ricart nous gratifient en ouverture d’un truculent duo Marzeline/Jaquino. Elle espiègle à souhait, avec des aigus assurés et une belle homogénéité, lui a la voix trop belle pour le rôle, on en apprécie le timbre lumineux. Vient ensuite le duo de Leonore entre la Marzeline de Teona Todua et la Leonore de Margarita Polonskaya. Si la première est stylée mais manque de confiance, la seconde est un vrai soprano dramatique et ne manque pas de tempérament. Vient ensuite le Rocco d’Adrien Mathonat, qu’on retient pour la belle couleur sombre de son timbre et son fort potentiel dans le style buffo. Cette première partie consacrée à Beethoven se conclut par le quatuor de l’acte I, qui manque de suspension et de magie – il était audacieux de s’y lancer en début de saison. Accompagnés au piano par l’attentif Carlos Sanchis Aguirre, mais il était courageux de débuter la soirée avec Beethoven, dont l’écriture vocale et le style sont hérissés de difficultés, autant que l'accompagnement à la fois orchestral et chambriste.

Seray Pinar compte parmi les académiciens tout juste sortis du conservatoire. Le grave est profond et charnu, avec de belles couleurs ambrées, il faut maintenant transmettre cette souplesse aux aigus. Elle donne la réplique à Martina Russomanno dans le duo entre Idamante et Illia du troisième acte. Déjà présente à l’Académie l’année dernière, la soprano italienne séduit par la qualité du timbre et la solidité de ses moyens techniques pour réaliser des nuances délicates. Citons enfin parmi les nouvelles recrues, Laurence Kilsby, qui peut déjà se prévaloir d’une belle présence scénique et d’un sens de l’incarnation. Le ténor britannique a la voix claire et bien projetée, et sait dire son texte.

Parmi les « anciens », outre Martina Russomanno, on retrouve avec bonheur Marine Chagnon, qui nous gratifie d’un sensible « Va pure ad altri » de La finta giardiniera, tout comme la basse Alejandro Baliñas Vieites, qui réalise une très belle prestation comique dans l’air de Mustafa. Les deux artistes nous avaient déjà conquis lors de leur prestation dans la production d’Il Nerone. L’absence d’un académicien pour maladie prive Yiorgo Ioannou d’un duo, à qui il ne reste plus que l’air de Figaro (du Barbier) pour s’illustrer dans le chant syllabique.

Le concert s’achève sur le finale du premier acte de La finta giardiniera, mené avec alacrité et finesse par Ramon Theobald, pianiste et chef de chant qui dirige les instrumentistes de l’Académie – tous excellents – pour accompagner les chanteurs qui s’acquittent avec un véritable sens de l’ensemble de cette page périlleuse.

La soirée a commencé par une transcription de l’ouverture Coriolan pour deux pianos, que les quatre pianistes interprètent avec un sens du défi certain. Guillem Aubry et Mariam Bombrun font preuve d’un brio bienvenu pour accompagner Rossini, et Ramon Theobald séduit par son piano incisif dans Mozart.

Le récital, malgré son hétérogénéité, est finement mis en espace par Victoria Sitjà, avec quelques trouvailles charmantes comme le duo Marzeline/Jaquino où le second piano devient l’enjeu de la dispute. On la sent à l’écoute de la musique et c’est heureux.

Chacune et chacun a donc présenté ses qualités et les défis à accomplir pendant cette résidence. Enjeux techniques, expressifs ou théâtraux, le travail ne manque pas, mais il s’annonce bien.

 Jules Cavalié


© Vincent Lappartient @Studio j'adore ce que vous faites