Catherine St-Arnaud (Adina) et Hugo Laporte (Belcore). ©️ Opéra de Québec / Louise Leblanc

Nettement plus tardive qu’en Europe, la reprise des activités lyriques s’effectue de façon très graduelle sur le continent américain. Au Canada, la première compagnie à présenter cette saison une grande production est l’Opéra de Québec, dont il convient de saluer bien bas le dynamisme en ces temps incertains. Annoncé à peine plus d’un mois avant la première, cet Élixir d’amour possède de nombreux mérites qui augurent bien du mandat du nouveau directeur artistique, le baryton Jean-François Lapointe. On lui sait gré en particulier de faire découvrir au public québécois deux chanteurs français très doués, le ténor Julien Dran et la basse Julien Véronèse. Dégingandé et extrêmement touchant dans sa candeur naïve, le premier campe un Nemorino qui suscite une compassion immédiate. Fin musicien, il sait utiliser avec un art consommé la voix de tête et résiste sagement à l’exhibition gratuite de notes tonitruantes, comme en témoigne entre autres son délicieux « Una furtiva lagrima ». En Dulcamara, Julien Véronèse fait entendre une puissante voix au grave solide et dotée d’une belle agilité. Avec son côté pince-sans-rire, ce charlatan vénal fait forte impression, notamment dans son savoureux duo (« Io son ricco, e tu sei bella ») avec Adina. Celle-ci trouve en Catherine St-Arnaud une interprète sensible et au jeu parfaitement en situation, mais si la souplesse vocale est irréprochable, le timbre perd de sa séduction dans l’aigu, devenant parfois aigrelet. Le Belcore d’Hugo Laporte plane pour sa part sur les cimes : somptuosité des moyens, élégance du phrasé, suprême intelligence musicale. Il parvient de surcroît à traduire avec éloquence l’amusante fatuité du sergent, ici à la tête d’un minuscule régiment d’opérette. Lucie St-Martin se montre enfin excellente sur les plans vocal et scénique dans le bref rôle de Giannetta. Le commentaire s’applique également au chœur de l’Opéra de Québec, réduit ici à 24 membres.

Dans la fosse, l’Orchestre symphonique de Québec propose une lecture alerte et d’un dynamisme bienvenu. Sous la direction de Jean-Michel Malouf, la phalange souligne la poésie des pages pleines de tendresse, mais a toutefois tendance à négliger le fragile équilibre voix-orchestre en jouant trop fort dans les passages animés de la partition. Sur scène, l’unique décor est composé d’une spacieuse et jolie maison colorée où logent aussi bien les militaires qu’Adina et les autres villageois. Dans ce lieu scénique assez neutre, Alain Gauthier a réalisé une mise en scène sobre qui met davantage en avant la dimension sentimentale que l’aspect buffa de l’ouvrage. Si la franche comédie en souffre quelque peu, les personnages de Donizetti en acquièrent une densité psychologique accrue qui achève de nous convaincre de la qualité de cette représentation.

Louis Bilodeau

A lire : notre édition de L'Elixir d'amour / L'Avant-Scène Opéra n° 288 

Catherine St-Arnaud (Adina) et Julien Dran (Nemorino). ©️ Opéra de Québec / Louise Leblanc