Lawrence Brownlee, Anna Goryachova, Michele Pertusi et Paolo Bordogna

La soirée du 21 août à la Vitrifrigo Arena de Pesaro est annoncée « XL », comme la 40e édition du Festival Rossini qui présente ce gala « supersized ». Son programme est conçu selon une logique à la fois chronologique et stylistique : à une première partie buffa dominée par la carrière italienne de Rossini (le Barbier, La Cenerentola, L’Italienne à Alger mais aussi Il viaggio a Reims) succède une seconde partie seria où, après Ermione, le grand opéra français Guillaume Tell se taille la part du lion. Airs, duos et ensembles, parfois avec le Chœur du Théâtre Ventidio Basso, sont harmonieusement répartis.

Sous la direction tonique et généreuse de Carlo Rizzi, le toujours remarquable Orchestra Sinfonica Nazionale della RAI (voir aussi nos comptes rendus de Sémiramis et L'equivoco stravagante) offre deux grands classiques des ouvertures rossiniennes, celle du Barbier (un peu hâtive à notre goût) et celle de Guillaume Tell (où les plans et paysages sonores se déploient plus confortablement). Côté vocal, le programme met tour à tour au premier plan Franco Vassallo (enthousiasmant dans le « Largo al factotum » de Figaro, bien moins idiomatique dans « Sois immobile » de Guillaume Tell), Paolo Bordogna (infaillible mais étrangement sage dans l’air de Bartolo « A un dottor della mia sorte »), Lawrence Brownlee (rayonnant dans le si périlleux « Cessa di più resistere » d’Almaviva), Nicola Alaimo (magnifique… Magnifico, avec un « Sia qualunque delle figlie » aussi formidable théâtralement que vocalement) ou Angela Meade (dont la projection tellurique emporte le délire du public lors d’une grande scène d’Ermione époustouflante et, pour les mêmes raisons, un peu écrasante – mais il n’empêche : les moyens vocaux sont sidérants, au service d’un tragique flamboyant). Roi de la soirée, Juan Diego Flórez apparaît d’abord en Ramiro (« Sì, ritrovarla io giuro », décidé et cavalcadant) puis en Arnold, d’abord avec Michele Pertusi pour un très noble et intense duo Arnold-Guillaume, ensuite avec le fameux « Asile héréditaire » qui soulève l’assemblée par son admirable équilibre entre engagement expressif et dignité de ton, insolents contre-ut inclus. Michele Pertusi tirerait presque à lui la couverture buffa du finale primo de l’Italienne (qui est aussi le finale primo de la soirée) tant son Mustafà y éclate de bougonnerie ébahie, quand Ruzil Gatin, remplaçant au pied levé Sergey Romanovsky (dont l’absence conduit à la suppression de l’air de Pirro « Balena in man del figlio », autre extrait d’Ermione originellement prévu), séduit par son ténor aussi souple qu’aisé et lumineux, notamment dans le duo Melibea-Libenskof du Viaggio a Reims qui l’unit en un chiaroscuro séduisant au timbre abyssalement profond d’Anna Goryachova. Le « second finale » viendra de Guillaume Tell : « Tout change et grandit en ces lieux » – c’est tout ce que l’on espère au Festival de Pesaro.

Chantal Cazaux


Claudia Muschio, Valeria Girardello, Lawrence Brownlee, Anna Goryachova, Michele Pertusi, Paolo Bordogna et Claudio Cigni
Photos : Studio Amati Bacciardi