Ambronay, Ambronay Editions, 2013, 150 p., 14 €

Septième numéro des Cahiers d'Ambronay, ce volume, toujours axé sur le répertoire baroque, se distingue néanmoins des précédents par son sujet : non plus quelque œuvre méconnue ou fraîchement redécouverte (comme Il Diluvio universale de Falvetti ou Le Carnaval et la Folie de Destouches) mais rien moins que le célébrissime opus montéverdien, considéré comme le tout premier opéra achevé de l'histoire. Or, que n'a-t-on pas, ou qui n'a pas écrit sur cet Orfeo - à commencer par L'Avant-Scène Opéra (n° 207), le regretté Roger Tellart (Claudio Monteverdi, Fayard, 1997) ou l'incontournable Philippe Beaussant (Le Chant d'Orphée, Fayard, 2002) ? Mais le Centre culturel d'Ambronay tient bon le cap qu'il s'est fixé - à savoir : accompagner les productions du Festival par des recherches pluridisciplinaires, à l'angle d'attaque souvent original.

L'Académie baroque européenne d'Ambronay a fêté ses vingt ans avec un Orfeo dirigé par le chef argentin Leonardo García Alarcón (en résidence à l'Abbaye depuis 2010) et mise en scène par Laurent Brethome, directeur artistique de la compagnie théâtrale Le Menteur volontaire. Tous deux prennent ici la parole, afin d'éclairer les fondements de leur travail (expressivité des intervalles musicaux et sfumato orchestral, par exemple, pour Alarcón). Trois autres entretiens apportent le témoignage de familiers du rôle-titre : les barytons Philippe Huttenlocher, Simon Keenlyside et Victor Torres, réciproquement protagonistes des versions dirigées par Harnoncourt, Jacobs et Garrido.

Mais ce sont surtout les quatre articles « de fond » ouvrant le livre qui en apprendront le plus à nos lecteurs : dans son papier liminaire (« La Perte au travail : interpréter la plainte d'Orphée ») la musicologue Sylvie Pébrier passe en revue les diverses « résurrections » de l'œuvre, mettant ingénieusement en parallèle la perte d'Eurydice par Orphée et celle, qui est la nôtre, des codes d'interprétation de cette musique. Le psychiatre Richard Uhl, pour sa part, interroge deux productions mythiques (celles de Jean-Pierre Ponnelle en 1978 et de Trisha Brown en 1998), tandis le dramaturge Pierre Kuentz corrèle la composition du livret d'Orfeo à la société courtoise de la Renaissance. Plus fascinante encore nous a paru la très belle réflexion de la philosophe Brigitte Massin (« Interdit du regard et puissance de la musique dans Orfeo »), opposant le contact visuel (prédateur, charnel, ancré dans le monde) au contact auditif (intellectuel, mystique, aspirant à l'harmonie céleste).

Si la reproduction du livret intégral, bien connu, ne semblait pas s'imposer, ces diverses pistes de réflexion, qui fuient les sentiers battus sans se priver de dresser un bilan (temporaire) des connaissances, nous apportent infiniment plus que ne le laissait augurer le packaging austère de l'ouvrage...

O.R.