Actes Sud / Classica, 2013.

Plus de 400 pages étaient hier nécessaires à Pierre Brunel pour étudier la vie et l'œuvre du suprême mélodiste en une somme parue aux éditions Fayard. On se doute que les 177 feuillets 10x19 du présent opuscule contraignent le tandem Thiellay père et fils à la plus frustrante des concisions. Difficile pour eux d'affirmer d'entrée de jeu que « le Catanais ne se laisse pas cerner facilement » et que les rares sources biographiques le concernant sont sujettes à caution, sachant que le lecteur devra se contenter ensuite, pour tout potage, des écrits de Pougin, de ceux apocryphes de l'ami Florimo, assaisonnés çà et là de citations de Stendhal censées planter le décor. Les auteurs parviennent néanmoins à esquisser de manière cursive les étapes cruciales d'un parcours à tous égards fulgurant : l'enfance du prodige sicilien, son apprentissage napolitain, la conquête de La Scala puis celle de La Fenice de Venise, les adieux italiens et l'installation à Paris, la première des Puritains, suivie de la mort prématurée à 34 ans.

Les aperçus musicaux et stylistiques tressés autour de ce fil chronologique, au gré des rencontres déterminantes comme des dix opéras successifs, ne peuvent qu'effleurer de manière plus ou moins éclairante la singularité du compositeur. La pertinence cohabite ici avec la subjectivité, l'exactitude avec l'imprécision. Naguère à court d'analyse stylistique dans le livre qu'ils consacraient au compositeur de Semiramide (cf. L'ASO n° 270), les mêmes semblent parfois assimiler, à tort, le bel canto rossinien à une virtuosité et une superficialité dont Bellini aurait eu le mérite de dépasser « la pyrotechnie » et les « artifices ». Sans expliquer que le primat donné au mot sur le son par ce romantique-né est précisément ce qui consomme à terme sa rupture avec l'éthique rossinienne du bel canto - dont il ne conserve que certains de ces artifices pyrotechniques !

Sans vouloir jouer les Beckmesser, qu'il nous soit permis par ailleurs de mettre en garde contre certaines inexactitudes parmi d'autres. L'Art du chant est un traité rédigé par le fils de Manuel García - créateur d'Almaviva - et non par ce dernier ; Tamburini anticipe le baryton plus qu'il n'incarne la basse ; le melodramma (« opéra » en italien) n'a rien à voir avec le mélodrame ; Faust ne relève pas du Grand Opéra ; Malibran était certes une belle Sonnambula mais transposait d'une tierce ; Scotto ne fut pas titulaire du rôle éponyme de Norma jusque dans les années 1980 mais ne l'embrassa (imprudemment) qu'en 1979 et 1981, après avoir brillamment succédé à Callas en Amina dès 1957 (ce que l'on oublie de rappeler). A ce propos, il est naïf de s'étonner devant la typologie de « soprano dramatique et d'agilité », l'un n'allant pas sans l'autre en Italie jusque dans les années 1850. L'amateurisme, au double sens du mot, prévaut ainsi dans ce petit livre, augmenté d'une double recension bibliographique et discographique non commentée, mais dépourvue d'illustrations.

J.C.