Tomes I (A-C) et II (D-G), Paris, Classiques Garnier, 2019, 940 p. et 933 p., 48 €/vol.

 
En cette année du 350e anniversaire de l’Opéra de Paris, les Classiques Garnier publient les premiers volumes d’un nouveau dictionnaire auscultant la vie de l’institution parisienne dans sa première période, de sa fondation le 28 juin 1669 jusqu’à la Révolution – précisément à la date du 3 septembre 1791, quand la Constitution abolit le privilège de l’Académie royale de musique qui change alors de nom.

Fruit de la collaboration de plusieurs équipes de recherche scientifique, l’ouvrage est appelé à faire date et à servir d’outil de référence pour tout historien de l’opéra (voire tout amateur féru de culture et de lecture). Près de soixante auteurs y ont œuvré, parmi lesquels le lecteur de L’Avant-Scène Opéra reconnaîtra des plumes familières, à commencer par celles de deux des co-directeurs du volume, Sylvie Bouissou et Pascal Denécheau, mais aussi Damien Colas, Julien Garde, Catherine Kintzler, Jérôme de La Gorce, Laura Naudeix ou Michel Noiray.

Qu’elles soient titres, noms ou notions, les entrées permettent de couvrir tout le répertoire, ses créateurs (compositeurs, dramaturges, maîtres de ballet, costumiers, décorateurs et machinistes), le personnel artistique et administratif ainsi que les questions et concepts historiques, esthétiques ou génériques se rapportant au sujet. Les notices d’œuvres, exhumant un corpus riche et rare, développent une nomenclature détaillée, la distribution de la création, un synopsis et un commentaire historique. Les notices de personnes développent tant les éléments biographiques que professionnels. Enfin, les notions étudiées touchent aussi bien aux œuvres (genres lyriques, évolution de l’orchestre, sujets d’esthétique) qu’aux personnes (dénominations et fonctions, types de voix) ou à l’institution de l’Opéra stricto sensu (salles, gestion financière, place dans la société, structures de formation, querelles, troupes extérieures engagées, etc.). Par ailleurs, le système de renvois entre notices est particulièrement développé et précieux.

Si un petit temps d’adaptation est nécessaire avant de maîtriser les différentes abréviations permettant de comprendre les éléments clés de chaque notice, l’exploration est néanmoins rapidement addictive : comme avec tout bon et beau dictionnaire, on se prend à tourner les pages bien au-delà du mot que l’on a cherché à consulter, emporté par une réalisation (et, soulignons-le, une élégance de la mise en page et de la typographie) d’une ampleur et d’une rigueur exemplaires, et qui appelle pourtant la curiosité et la flânerie élective. On attend avec impatience les prochains volumes, qui compléteront ce monde surgi du passé et donné au lecteur – prouvant, s’il était besoin, que la plus grande exigence scientifique peut aussi redonner vie à son objet d’étude.

Chantal Cazaux