Paris, bleu nuit éditeur, 2018, 176 p., 20 €

Quelques mois avant l'année du bicentenaire de la naissance d'Offenbach, les éditions bleu nuit ajoutent à leur catalogue cet ouvrage qui, nonobstant la modestie affichée par son auteur, cerne fort bien la vie et l'œuvre du compositeur d'Orphée aux Enfers. Dans les limites imparties par la collection « horizons », soit invariablement 176 pages, Jean-Philippe Biojout réussit à brosser un portrait vivant, très juste et nuancé du compositeur. Il retrace les différentes étapes de son fascinant parcours le menant de Cologne jusqu'aux Bouffes-Parisiens, en passant par Vienne, Berlin et les États-Unis... Il ne néglige aucune facette du personnage : le père de famille affectueux, le directeur de théâtre souvent au bord de la ruine, ou l'homme régulièrement terrassé par de terribles crises de goutte, qui luttera jusqu'à l'épuisement de ses dernières forces pour essayer de terminer Les Contes d'Hoffmann.

À travers ce récit haletant, les œuvres scéniques – plus d'une centaine – sont présentées de façon plus ou moins développée selon leur importance. Grâce à un excellent esprit de synthèse, l'auteur résume en quelques lignes des intrigues parfois d'une grande complexité, et s'attache surtout à offrir un commentaire de la partition, étayé de très nombreux exemples musicaux, qui constitue à n'en pas douter un des apports les plus intéressants de cette monographie.

Malgré le soin évident apporté à la rédaction de l'ouvrage, certaines erreurs doivent toutefois être relevées. Outre quelques dates inexactes, on s'étonne d'apprendre que Balzac, mort en 1850, ait pu faire partie des « jeunes plumes prometteuses » (p. 40) que Villemessant recrute en 1854 pour Le Figaro... Mentionnons aussi au passage que c'est Ciceri et non pas Cambon qui a réalisé les décors de Robert le Diable en 1831 (p. 54). La capacité de travail du compositeur était certes prodigieuse, mais il est faux d'affirmer qu'il fait créer au moment de l'ouverture des Bouffes-Parisiens « au moins une nouvelle composition de sa main chaque mois » (p. 47). En ce qui concerne la désignation des œuvres, Offenbach emploie différentes expressions comme « opéra-bouffe » ou « opéra-comique », mais aussi « opérette », contrairement à ce qu'on lit à la page 31. Dans l'esprit du musicien, une opérette était tout simplement une œuvre brève en un acte. Enfin, il est erroné d'écrire, en référence au caissier Antonio dans Les Brigands (1869), que le contre-fa n'avait plus été confié aux ténors depuis I puritani (1835) de Bellini (p. 125), puisqu'on en trouve par exemple dans le rôle de Ké-ki-ka-ko dans Ba-ta-clan (1855) et dans celui de Pâris dans La Belle Hélène (1864).

Plus que ces quelques éléments qu'une relecture attentive aurait pu éviter, on soulignera la qualité d'un ouvrage reflétant une connaissance intime d'Offenbach, agrémenté de surcroît d'une riche iconographie. Sans aucunement prétendre à l'exhaustivité de la biographie monumentale de Jean-Claude Yon (Gallimard, 2000), ce livre n'est pas loin d'égaler l'ouvrage désormais classique de Robert Pourvoyeur (Seuil, 1994) et atteint parfaitement son but, c'est-à-dire « donner envie de savourer toujours plus » (p. 7) les œuvres d'Offenbach.

L. B.