Sous la dir. d'Isabelle Moindrot, Paris, Classiques Garnier, 6 vol. (en coffret ou séparément), 2017

Dramaturge célébrissime de son vivant mais bien oublié aujourd'hui, Victorien Sardou (1831-1908) est pourtant l'auteur de moult pièces ayant servi de sources à des opéras : outre la Tosca de Puccini, citons Fedora de Giordano, Madame Sans-Gêne du même Giordano mais aussi, en version opérette, de Grün, ou Patrie ! de Paladilhe - et cette liste n'est pas exhaustive. Il faudrait citer aussi le livret du Roi Carotte écrit pour Offenbach, Bataille d'amour pour Vaucorbeil ou Le Capitaine Henriot pour Gevaert : de quoi intéresser les mélomanes, si ne suffisait son impressionnant corpus dramatique.

Son Théâtre complet avait paru chez Albin Michel de 1934 à 1961. Les éditions Classiques Garnier présentent aujourd'hui une édition critique de ses drames et pièces historiques dirigée par Isabelle Moindrot, déjà coordonnatrice du volume Victorien Sardou. Le théâtre et les arts paru aux Presses Universitaires de Rennes en 2010. Selon la classification établie par la responsable éditoriale, les six volumes regroupent donc : Patrie ! et La Haine, les deux premiers drames de l'auteur (vol. I), Fédora, La Tosca et Spiritisme, drames écrits pour Sarah Bernhardt et situés jusqu'en 1800 (vol. II), Thermidor et Robespierre, pièces inspirées par la Terreur (vol. III), Les Merveilleuses, Madame Sans-Gêne et Paméla, marchande de frivolités, comédies du Directoire et du Premier Empire (vol. IV), Théodora, Cléopâtre et Gismonda, drames situés dans l'Antiquité et le monde byzantin (vol. V), enfin Dante, La Sorcière et L'Affaire des poisons, les trois derniers drames de l'auteur (vol. VI).

Pourvus d'un appareil critique foisonnant (introductions spécifiques, bibliographies, notes et variantes), d'une intéressante liste de toutes les adaptations réalisées (parodie théâtrale, œuvres lyriques, romanesques, de radio ou de télévision, films), ils sont appelés à faire date et prendre d'emblée la place de références dans la bibliothèque de l'amoureux du théâtre et de son analyse. L'introduction générale (biographique, historique et esthétique) signée par Isabelle Moindrot et placée en tête du premier volume suffirait d'ailleurs à mériter ces palmes, qui brosse d'une plume éclairée et sensible le portrait professionnel, artistique mais aussi humain de l'auteur - un essai en soi admirable (et totalisant 130 pages). Mais on ne saurait trop conseiller au mélomane de redécouvrir - au moins ! - La Tosca, tout à la fois par son texte et par les éclaircissements contextuels qui sont apportés en note : sur Rome, la République romaine, la bataille de Marengo, sur le portrait de la jeune Tosca, gardienne de chèvres devenue cantatrice, ou tout l'acte II (supprimés, comme d'autres fragments, dans le livret de l'opéra), sur Sarah Bernhardt et son interprétation fondatrice, et mille autres détails passionnants.

On ne peut que saluer ce travail, remarquable d'ampleur et de précision - à la mesure de son sujet : un nouvel incontournable de la bibliographie.

C.C.