Paris, Fayard, 2017, 265 p.

Un livre de plus, certes, sur un sujet mille fois traité. Éric Chaillier en a conscience et tente une synthèse des multiples contributions des historiens, des musicologues et même des philosophes qui se sont penchés sur l'ultime chef-d'œuvre de Mozart. Ce dont témoignent les références données en bas de quasiment chaque page, reflet des abondantes lectures que l'auteur aura faites, principalement en allemand, recherches rendues ainsi accessibles au public français, souvent privé de ces sources par une musicologie hexagonale trop longtemps rétive aux langues étrangères.

Compilation donc, mais intelligemment ordonnée, qui permet de parcourir l'œuvre et son histoire au gré de chapitres bien faits et clairement énoncés. On relèvera celui qui rend justice à Schikaneder, si souvent jugé inculte ; celui qui célèbre les mérites de son livret, si souvent dénigré, et en rappelle les origines ; celui qui situe le lieu de la création, le Theater auf der Wieden, son répertoire, son public, sa troupe, ses musiciens (mais leur énumération p. 92 est curieusement incomplète...) ; celui qui témoigne de la réception et du succès remporté.

L'analyse de l'œuvre renonce à la suivre scène par scène. L'auteur renvoie pour cela à Hocquard chez Aubier et à Halbreich dans le numéro de L'Avant-Scène Opéra (il aurait pu mentionner aussi Stricker dans les Indispensables de Fayard... voire notre propre et succinct Mozart, Mode d'emploi...). Il préfère isoler « les différentes sphères qui la composent et en font un ensemble unique dans l'histoire de l'opéra ». La seconde partie, justement titrée Pour une vision plurielle, passe en revue de manière très complète les aspects qui se superposent et se complètent l'un l'autre. Car en effet La Flûte enchantée est à la fois un grand opéra allemand, un opéra d'apprentissage, une histoire d'amour, un opéra féerique, une farce populaire, une fable maçonnique, un drame sacré, une lutte de pouvoir et une célébration des pouvoirs de la musique. C'est bien dans le caractère « merveilleux » et surtout « multiple », ainsi mis en évidence, que réside la richesse inépuisable de ce testament de toute une vie, si brève et pourtant si complète.

P.M.