Doina Dimitriu (Bianca), Yasuharu Nakajima (Ugo), Carmen Giannattasio (Adelia), Dejan Vatchkov (Folco di Angiò), Sim Tokyurek (Luigi V), Milijana Nikolic (Emma), Chœur et Orch. de l'Accademia d'arti e mestieri dello spettacolo Teatro alla Scala, Fondazione Orch. G. Donizetti et Ch. du Teatro Donizetti de Bergamo, dir. Antonino Fogliani (live, Bergamo X.2003).
CD Dynamic CDS 7659/1-2. Distr. NewArts Int.

Dans la foulée de leur succès milanais avec Anna Bolena (créée en 1830 au Teatro Carcano), Donizetti composa un nouvel opéra en collaboration avec Felice Romani : Ugo, conte di Parigi (1832), représenté cette fois à La Scala avec, toujours, la Pasta dans le premier rôle féminin. La censure autrichienne ne fut pas tendre avec l'histoire de Bianca, qui se suicide plutôt que d'épouser le roi de France, et d'Emma, reine-mère régicide : moult changements durent être apportés à la partition avant sa création. Hélas, ce fut un four absolu et l'œuvre disparut rapidement du répertoire - heureusement supplantée par L'Elixir d'amour que, deux mois seulement après la première d'Ugo, le même duo de créateurs donnait à La Canobbiana de Milan.

Dynamic réédite ici la captation d'une production bergamasque de 2003 - la véritable re-création scénique de l'ouvrage au XXe siècle, seulement précédée d'un premier enregistrement de studio chez Opera Rara (1977). Il faut saluer la vigueur d'une réalisation de bonne tenue. La distribution défie avec un certain panache une partition qui réclame trois protagonistes féminines, un mezzo travesti (pour le roi Louis V, ici interprété par un contre-ténor), un ténor d'envergure (créé par Donzelli, le premier Pollione et un Otello rossinien fameux) quoique sans air propre (Donizetti reprend ici une particularité de l'Enrico d'Anna Bolena) et un « méchant » bien caractérisé, baryton-basse (dans le rôle du traître comploteur, Foulques d'Anjou). Pour ce Donizetti hautement tragique, dont la scène finale (la mort de Bianca) n'a rien à envier à bien des « folies » plus connues, les trois voix féminines sont bien différenciées : Dimitriu, veloutée et ciselée, certes approximative dans son soutien mais de belle incarnation ; Giannattasio, plus voluptueuse et ardente ; Nikolic, enfin, pour les profondeurs de la reine-mère contralto. Témoignant d'un travail rigoureux à l'Académie de La Scala, les hommes complètent cette distribution fort exacte dans son style et sa diction quoiqu'internationale : un Ugo qui tient son rang, un Folco noir et vigoureux. Si les chœurs et orchestres réunis pour l'occasion sont aussi à la mesure de l'enjeu, la direction d'Antonino Fogliani manque d'architecture et de point de fuite dramatique. L'intérêt de l'écoute s'émousse alors, d'autant que la prise de son est lointaine et floute les ensembles - dommage pour Ugo, dont le réveil semble décidément éphémère.

C.C.