Daniel Behle (le Fils du roi), Amanda Majeski (la Gardeuse d'oies), Nikolay Borchev (le Ménétrier), Julia Juon (la Sorcière), Magnús Baldvinsson (le Bûcheron), Martin Mitterrutzner (le Marchand de balais), Dietrich Volle (l'Aubergiste). Orchestre et chœurs de l'Opéra de Francfort, dir. Sebastian Weigle (live 2012).
CD Oehms classics OC 943. Distr. Codaex.

Longtemps ignorés par les maisons d'enregistrement, Les Enfants du roi de Humperdinck connaissent depuis quelques années une période faste. Vint d'abord en 2005 la très belle version chez Accord (objet d'une récente réédition, cf. L'ASO n° 234) dirigée à Montpellier par Armin Jordan qui révélait le Fils du roi superlatif d'un Jonas Kaufmann encore peu connu. Pour sa part, le chef Ingo Metzmacher enregistra à Berlin en 2008 (CD Crystal, cf. L'ASO n° 264) un coffret dominé par le sublime Ménétrier de Christian Gerhaher, puis se retrouva en 2010 dans la fosse de l'Opéra de Zurich pour des représentations mettant en vedette Kaufmann (DVD Decca, cf. L'ASO n° 273). Voici que nous arrive maintenant une intégrale qui offre les échos d'un spectacle donné à Francfort à l'automne 2012 et dont les qualités sont nombreuses.

Succédant à l'extraordinaire Kaufmann et à l'apathique Klaus Florian Vogt (Crystal), Daniel Behle est un Fils du roi de grande classe, qui ne force jamais (ou presque) sa voix de merveilleux Liedersänger. Tout semble naturel dans ce chant limpide et distingué qui convient à ravir à un personnage complexe, tour à tour enjoué, angoissé et enfin broyé par le monde des adultes. Moins crédible en jeune Gardeuse d'oies, Amanda Majeski connaît un premier acte difficile, ne pouvant faire illusion avec son fort vibrato, sa voix fatiguée et ses aigus périlleux. Ces défauts s'atténuent cependant de façon frappante au troisième acte : la soprano fait alors entendre une voix quasi désincarnée, aux inflexions déchirantes et aux nuances admirables. Avec son timbre un peu rêche et ses intonations savamment dosées, Julia Juon campe une Sorcière parfaite de gouaille et d'autorité. S'il ne peut évidemment pas faire oublier Gerhaher, le baryton biélorusse Nikolay Borchev est néanmoins splendide en Ménétrier d'une grande humanité et qui, à l'exception de quelques rares passages un peu exposés, maîtrise fort bien les exigences de la partition. Dans les seconds rôles, on distingue la Fille de l'aubergiste de Nina Tarandek à la voix délicieusement fruitée, la solide Fille d'écurie de Katharina Magiera, de même que Martin Mitterrutzner et Dietrich Volle, qui campent un superbe Marchand de balais et un Aubergiste inoubliable. Parmi les éléments plus faibles de la distribution, Magnús Baldvinsson ne fait vraiment pas le poids en Bûcheron et il faut également admettre que le chœur d'enfants n'est pas toujours irréprochable.

Le chœur de l'Opéra de Francfort accomplit quant à lui des merveilles dans un deuxième acte éblouissant, où le chef Sebastien Weigle connaît peut-être ses meilleurs moments. Les éclats animés de l'acte central semblent en effet mieux lui convenir que les scènes déchirantes du dénouement, où il ne réussit pas à créer l'atmosphère lourdement oppressante et quasi suffocante de Metzmacher. Malgré ces quelques bémols, Weigle propose tout de même une interprétation globalement digne d'éloges.

L.B.