Carmen Giannattasio (Caterina Cornaro), Graeme Broadbent (Andrea Cornaro), Colin Lee (Gerardo), Troy Cook (Lusignano), Vuyani Mlinde (Mocenigo), Loïc Félix (Strozzi). BBC Symph. Orch. & Singers, dir. David Parry (2011).
CD Opera Rara ORC48. Distr. Abeille Musique.

Très belle réalisation (comme souvent) de la firme Opera Rara avec cette Caterina Cornaro soigneusement éditée: le livret est inclus et le texte musicologique de Jeremy Commons, très informatif. L'enregistrement comprend même le final alternatif composé par Donizetti pour la reprise de son opéra à Parme en 1845, développant l‘agonie de Lusignano avec son air „Piangi" et supprimant la cabalette triomphante de la nouvelle Reine de Chypre.

Créée à Naples en 1844, inspirée justement du grand opéra La Reine de Chypre de Halévy tout en conservant le format d'un melodramma italien, Caterina Cornaro recèle de nombreuses richesses. Le livret, concis et puissant, confronte Venise et Chypre, organise l'alliance politique de deux rivaux en amour (quel duo que celui de Gerardo et Lusignano, où le rapprochement des voix de ténor et baryton prend un sens aussi mâle que martial!), et narre la métamorphose d‘une jeune fille, jouet d‘enjeux diplomatiques devenant souveraine. La partition brosse des portraits vocaux saillants - basse profonde du comploteur Mocenigo, baryton altier du roi de Chypre, ténor vaillant du prétendant français, soprano plein de la Vénitienne exilée -, ose des orientalismes rarissimes chez Donizetti („Da quel dì" de Gerardo...) et multiplie les situations chorales, influence avouée du grand opéra français.

Remis à l'honneur par Leyla Gencer puis Montserrat Caballé, ce dernier opéra de Donizetti demande donc une vision, un souffle, et des interprètes rompus au bel canto comme à l'incarnation magistrale. Pari en grande partie tenu ici, avec le timbre vibrant et profond, au vibrato dense, de Vuyani Mlinde, le baryton souverain de Troy Cook, le ténor royal de Colin Lee, parfaitement à son affaire ici - conduit, brillant, stylé sans affectation - et d'impeccables comprimari. Hélas, le timbre épais et les lourdeurs de Carmen Giannattasio, dont l'investissement dans le personnage n'est pas à remettre en cause, opacifient ses interventions, bien que soignées. La direction informée de David Parry offre des moments mémorables, comme le finale primo à la fougue ici flamboyante. Une belle version de studio... mais qui n'est pas (n'a pas) tout à fait la Caterina que l'on voudrait.

C.C.