Jukka Rasilaïnen (Wotan), Linda Watson (Brünnhilde), Leonid Zakhozhaev (Siegfried), Stieg Andersen (Siegmund), Marion Ammann (Sieglinde), Simone Schröder (Fricka), Stefan Heibach(Loge), Andrew Shore (Alberich), Kevin Conners (Mime), Gary Jankowski (Fafner), Daniel Sumegi (Fasolt, Hagen), Gerard Kim (Gunther), Sonja Mühleck-Witte (Freia), Sabine Hogrefe (Gutrune), Susanne Geb (Waltraute), Silja Schindler (l'Oiseau de la forêt). Chœur et Orchestre du Teatro Colón de Buenos Aires, dir. Roberto Paternostro, mise en scène :  Valentina Carrasco (Buenos Aires, 2012).
DVD Cmajor 713009. Distr. Harmonia Mundi

On connaît l'histoire de ce Ring de poche : à la demande de Katharina Wagner, Cord Garden avait réalisé un condensé du Ring en sept heures - quatre journées en une, en quelque sorte. Le projet fut vendu au Teatro Colón, Katharina Wagner devant en réaliser la mise en scène. Elle vint à Buenos Aires,  vit et repartit, déconfite par l'impossibilité de travailler dans les conditions qu'elle souhaitait. Tout le monde en fut fort fâché, mais finalement un accord fut trouvé entre les parties et Valentina Carrasco, qui collabora si longtemps au collectif de La Fura dels Baus, accepta in extremis la régie d'une production qui semblait maudite. De tout cela, le 5e DVD, consacré à l'histoire singulière de ce spectacle à part, ne fait aucun mystère. C'est d'ailleurs le principal intérêt de cette publication et il aurait en fait suffit. Car réduire le temps wagnérien et supprimer fatalement des personnages, c'est commettre une bévue absolue. Evidemment, même démantelé, même strictement rendu à son seul déroulement dramatique, le Ring tient toujours debout, Wagner ne l'avait pas conçu en dehors de sa puissante structure théâtrale. Mais la réduction du temps lui est en quelque sorte fatale, car le temps chez Wagner est un principe absolu, il induit la notion d'espace. Qu'on réduise cet espace, et son univers devient banal. La régie de Valentina Carrasco, même avec son joli point de départ d'un or incarné par un nourrisson, n'arrange pas les choses, transposition sans grâce dans une Argentine de l'époque de la dictature, avec un clin d'œil final à la guerre des Malouines - décors moches, direction d'acteur efficace sinon fouillée, rien que du très banal et du déjà vu. On souffre pour Linda Watson, qui hurle sa Brünnhilde uniquement athlétique, et pour le Wotan en voix de bois de Jukka Rasilaïnen. Une Sieglinde trémulante, un Siegmund  égaré,  laissent le pas à de bons Niebelungen (en particulier le Mime de Kevin Conners), la seule vraie bonne surprise restant le Siegfried héroïque de Leonid Zakhozhaev, star incontesté des Ring de Gergiev, Tristan déjà considérable. Mais mieux vaut attendre de l'avoir en meilleure compagnie et dans l'intégralité du rôle. Autre laurier, la direction dramatique à souhait de Roberto Paternostro, qui tient de bout en bout un projet contestable et contesté.

J.-C.H.