Felicity Lott (la Femme), Graham Johnson (piano). Réalisation : Alexander van Ingen (2011).
DVD Champs Hill Records CHRBR045. Distr. Rue Stendhal.

La Voix humaine au piano ? Poulenc la donnait parfois ainsi, avec Denise Duval, tout en n'y voyant qu'un pis-aller. D'autres l'ont fait depuis, mais aucun enregistrement n'avait été autorisé. Pour Felicity Lott et Graham Johnson, voici l'interdit levé. La soprano anglaise, ainsi, se succède à elle-même : en 2001, avec Armin Jordan, elle gravait la seule version digne de succéder à celle de Denise Duval et Georges Prêtre. Avouons notre nette préférence pour la version orchestrale, malgré toutes les qualités du piano de Graham Johnson, qui évite toute fadeur ou tout excès de sentiment et maintient une constante tension : le drame, du coup, ne perd rien de sa force. Dame Felicity, elle, reste sans rivale, par la clarté de l'articulation, l'art de la déclamation, fondé sur la connaissance intime de la prosodie, l'intelligence des pleins et des déliés du texte, de sa moindre inflexion, la fusion entre le mot et la note. Evidemment, la voix a perdu de sa fraîcheur, mais ses rides ne sont-elles pas celles de l'abandon, du désespoir, du déni ? On sent bien que cette liaison sera la dernière : il y a ici moins de sensualité, plus d'impatience, plus d'urgence, plus d'écorchures. Et si les gros plans ne la flattent pas toujours, il faut voir à quel point elle est la Femme, fragile, apeurée, fébrile, comme tout passe par ce visage éclairé par le passé ou l'espoir, déformé par la douleur. Une petite pièce, quelques meubles, décor simple, immobile : il n'en faut pas plus, tant tout se concentre sur le visage de la chanteuse, d'une sobriété plus expressive que jamais. Une sorte de testament, au fond, couronnement d'une longue fréquentation, d'une profonde intimité, d'une identification presque, avec la musique de Poulenc. A placer à côté du film réalisé sur la version de Denise Duval et Georges Prêtre.

D.V.M.