Dawn Upshaw (soprano), Dominique Blanc (voix parlée). Tapiola Chamber Choir, Finnish Radio Symphony Orchestra, dir. Esa-Pekka Salonen (2012).
CD Ondine ODE 1217-5. Distr. Abeille Musique.

Les figures féminines peuplent les opéras de Kaija Saariaho et plus généralement sa musique vocale soliste. Entre Adriana Mater et la shaman de Mirage, c'est la philosophe mystique Simone Weil qui, par son engagement hors du commun et son destin particulièrement sombre, inspirait à Amin Maalouf et à la compositrice les quinze « stations » de La Passion de Simone (2006). En vertu d'un fort judicieux décentrement du point de vue, ce n'est pas Simone qui est mise en scène mais une sœur aimante qui, s'adressant à elle, retrace, au fil des stations, les étape saillantes de sa courte vie. En dépit d'une légère tendance didactique, le texte est sobre et intègre des pensées de la philosophe, dites avec chaleur et sans grandiloquence par Dominique Blanc. Les lignes mélodiques, remarquables en soi parce que la souplesse de leur dessin n'exclut pas la tension lyrique engendrée par les larges intervalles, sont magnifiées par leur osmose avec une matière orchestrale fusionnante aux infinis miroitements. Dawn Upshaw a l'étoffe nécessaire pour faire face aux sections orchestrales plus massives (les blocs des stations 3 et 6, ou encore l'évocation de l'usine par le machinisme quasi varésien de la station 5), mais excelle aussi à se fondre dans le décor et à se laisser porter par les jeux de relais et de reflets qui l'entourent d'une aura relayée à l'occasion par l'électronique légère de Gilbert Nouno. Les passages choraux, presque toujours homophoniques, tranchent sur la fluidité dominante par leur scansion rythmique beaucoup plus incisive. L'excellent chœur de chambre finlandais est ici le partenaire idéal d'un orchestre radio-symphonique dont on se délectera du rendu limpide de ces textures à l'équilibre pourtant si délicat, que Salonen pratique aussi, il est vrai, en tant que compositeur.

P.R.