Nora Gubisch (Thérèse), Charles Castronovo (Armand), Étienne Dupuis (André), François Lis (Morel), Yves Salens et Patrick Bolleire (Officiers). Chœur et Orchestre de l'Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon, dir. Alain Altinoglu (2012).
CD Ediciones Singulares / Palazetto Bru Zane 1011. Distr. Outhere.

Typique de sa dernière manière dont on apprécie désormais la haute tenue et la saveur automnale, Thérèse (créée à Monte-Carlo en 1907) comptait parmi les partitions préférées de Massenet. Le livret de Jules Claretie, inspiré par la figure historique de Lucile Desmoulins, lui avait offert une nouvelle figure d'héroïne : tentée de fuir la Révolution en rejoignant l'amour de sa jeunesse, Armand, ci-devant marquis de Clairval, Thérèse y renonce et se fait arrêter quand elle apprend que son mari, girondin, va être guillotiné. Sous son apparence morale, le sujet est plutôt celui de la sublimation amoureuse. Thérèse partage avec Werther une couleur générale sombre, dans l'instrumentation, les harmonies et les voix : comme Charlotte, Thérèse est une mezzo. Mais, cette fois, c'est le mari (André, baryton) qui a le plus beau rôle tandis que la lumière vocale du ténor, l'amant égoïste et veule, fait ressortir les profondeurs de l'ombre. Quelques allusions à La Marseillaise sur les paroles « Je suis la Girondine », à Il pleut bergère du dantoniste Fabre d'Églantine, au style altier des hymnes de la Révolution, donnent la couleur d'époque. Pour suggérer l'obsolescence d'un passé délicieux, Massenet fait entendre, en coulisse, un menuet au clavecin. L'effet reste saisissant. Il n'y a pas d'airs dans Thérèse sinon « Jour de juin ! jour d'été ! » esquissé par l'héroïne. Mais les envolées lyriques abondent : l'exclamation conjugale d'André Thorel « Mon bonheur » et le monologue de Thérèse « Et mon cœur a gardé son image ». Pendant les dialogues, l'orchestre assume la partie mélodique avec une éloquence qui surpasse parfois celle du chant. Réalisé en concert à Montpellier, lors du festival 2012, cet enregistrement magnifie la prestation des chanteurs dont il faut saluer la diction et l'engagement, sans gommer les détails et les couleurs de l'orchestre. La partition est servie avec une fidélité scrupuleuse. S'il y manque quelque chose, c'est « l'à-peu- près » plus éloquent de la représentation quand les rythmes et les intonations ont été intégrés au jeu dramatique. La qualité musicologique des textes d'accompagnement augmente encore l'intérêt de cette redécouverte.

G.C.