Anita Johnson (Treemonisha), Annmarie Sandy (Monisha), Janinah Burnett (Lucy), Chauncey Packer (Remus), Phumzile Sojola (Cephus), Edward Pleasant (Zodzetrick), Frank Ward Jr. (Ned), Todd Payne (Simon), Darren Stokes (Parson Alltalk). The Paragon Ragtime Orchestra and Singers, dir. Rick Benjamin.
CD New World Records 80720-2. Distr. DistrArt Musique.

En 1975, Gunther Schuller réalisa pour l'Opéra de Houston une orchestration un rien trop enthousiaste du premier opéra américain écrit par un compositeur noir, en l'occurrence rien moins que Scott Joplin, maître du ragtime et pianiste virtuose. Gunther Schuller allait l'enregistrer l'année suivante pour Deutsche Grammophon, version assez luxueuse tirant vers le grand opéra, parachevant peut-être une part du rêve de Joplin, mais ne rendant guère compte de la réalité de l'œuvre ni de ses malheurs dans la carrière : Treemonisha sera créée sans mise en scène, lors d'une représentation privée en 1911 et avec pour tout orchestre un piano. Puis l'œuvre fut oubliée et Joplin céda à la syphilis qui devait l'emporter deux années plus tard. Le petit théâtre de cet opéra est en fait bien plus intime que ce que Schuller en avait déduit, comme le démontre l'ensemble instrumental modeste réuni un siècle après la création par Rick Benjamin. Immédiatement l'œuvre retrouve ses repères, entre spirituals et citations classiques, un peu de musique baroque et un peu de Johann Strauss – Remus est doté d'une valse –, et son ton naïf, ses mélodies sans contraintes, ses ensembles piquants font – avant même un opéra – un spectacle qui ne ressemble vraiment à rien qu'on connaisse. La fraîcheur d'une équipe de chant sans façon où les premiers rôles – joli soprano fruité d'Anita Johnson pour Treemonisha, ténor plein de caractère pour Remus selon Chauncey Packer – ne jouent pas les stars. Le tout est assorti d'un beau livret – en fait, l'objet se présente comme un livre au format disque –, l'occasion d'un passionnant article fort étendu signé par le chef d'orchestre et abondamment illustré de documents photographiques, un modèle éditorial pour une redécouverte utile.

J.-C.H.