Nathalie Manfrino (Lodoiska), Hjördis Thébault (Lysinska), Sébastien Guèze (Floreski), Philippe Do (Tizikan), Armando Noguera (Varbel), Pierre-Yves Pruvot (Dourlinski), Alain Buet (Altamoras). Chœur de chambre Les éléments, Le Cercle de l'Harmonie, dir. Jérémie Rhorer.
CD Ambroisie AM 209. Distr. Naïve.

Lodoiska est le premier grand succès parisien de Cherubini. Un drame héroïque finalement plutôt souriant malgré quelques accents moralisateurs mis ici pour complaire à l'esprit du moment, et une volonté d'impressionner dans la noirceur un peu vieillie pour nous. On reconnaît dans ces Tartares qui vont aider Floreski à délivrer sa belle des griffes du tyran Dourlinski, les révolutionnaires de 1791. Plus que dans les airs finalement assez génériques et peu développés – sauf ceux de Varbel où passe la distance amusée qui fait le charme du livret –, le génie et la modernité de Cherubini tiennent dans sa façon de gérer l'action dans des ensembles magnifiquement structurés, au mouvement irrépressible, pleins de surprises dans leur développement et qui s'enchaînent souvent sans solution de continuité tel le finale de l'acte II où l'on part d'un simple trio pour arriver à un quintette avec chœur. Il fallait sans doute être passé par les symphonistes de la période classique, les opéras de Mozart, de J.-C. Bach et de Grétry, pour restituer à cette musique toute sa vitalité sans tomber dans le mécanique et le répétitif induits par les ostinatos qui la soutienne. Riccardo Muti s'y était essayé à La Scala en 1991 mais son orchestre ne possédait pas cette transparence, ces colorations, cette dynamique qu'apportent les instruments d'époque. Surtout, il manquait à sa distribution ce caractère idiomatique, tant en terme de typologie vocale que de prononciation du français, qui est l'atout majeur de cette version d'une parfaite homogénéité. Avec la Médée de Rousset (cf. la Sélection DVD), cet enregistrement parfaitement réussi serait-il le signe du retour en grâce d'un compositeur essentiel injustement négligé ?

A.C.