Arnold Rutkowski (Kirkor), Mariusz Godlewski (Kostryn), Małgorzata Walewska (La Veuve), Wioletta Chodowicz (Balladyna), Katarzyna Trylnik (Alina), Rafał Bartmiński (Grabiec), Edyta Piasecka (Goplana), Karolina Sołomin (Skiqerka), Anna Bernacka (Chochlik). Chœur et Orchestre de l’Opéra de Varsovie, dir. Grzegorz Nowak. Mise en scène : Janusz Wiśniewski (21 octobre 2016).
Institut Frédéric Chopin NIFCDVD008. Présentation bilingue (pol., angl.). Distr. Socadisc.
 
Tiré de Balladyna, un drame du grand poète romantique polonais Juliusz Słowacki, Goplana est l’une des plus incontestables réussites de Władysław Żeleński, figure phare de la vie musicale polonaise à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Cet « opéra romantique » s’inscrit dans l’héritage de Stanisław Moniuszko, père de l’opéra national polonais, tout en s’ouvrant à la nouveauté wagnérienne et en se montrant sensible aux séductions de l’opéra français – Żeleński passa deux ans à Paris où il étudia avec Reber.

L’histoire oppose l’ondine Goplana et Balladyna, qui tue sa sœur pour épouser le seigneur Kirkor alors que Goplana est repoussée par Grabiec, épris de Balladyna. Celle-ci porte une tache indélébile sur le front – on pense à Lady Macbeth – et finit foudroyée après avoir repoussé sa propre mère. À Varsovie en 2016, la production de Janusz Wiśniewski commémorait le cent-vingtième anniversaire de la création de l’œuvre à Cracovie. Le DVD confirme l’impression première. Le metteur en scène évacue le pittoresque lacustre tout en s’y référant, pour rester proche de l’œuvre et ne pas éluder la dimension fantastique. Il ancre aussi son travail dans un naturalisme assumé, parfois proche de l’esprit de Tadeusz Kantor.

Son beau travail, oscillant heureusement entre les deux registres, ne trouve pas assez d’écho dans la direction trop prosaïque de Grzegorz Nowak, qui dirige une distribution où l’on remarque surtout les dames, techniquement assurées et stylistiquement pertinentes. Edyta Piasecka, timbre rond et frais, incarne une émouvante Goplana, Wioletta Chodowicz prête une voix corsée à la méchante Balladyna, dont la mère est chantée par une Małgorzata Walewska encore imposante après des décennies. Kirkor et Grabiec, les deux ténors, manquent en revanche un peu de souplesse dans l’émission, on leur préfère toujours le Kostryn de Mariusz Godlewski.

Sans nous combler, l’ensemble est à connaître pour découvrir cette Goplana que, sauf erreur, le disque même avait oubliée. Elle nous montre que l’opéra polonais, après Moniuszko, restait bel et bien vivant.

Didier van Moere