Dietrich Fischer-Dieskau (Macbeth), Elena Suliotis (Lady Macbeth), Nicolaï Ghiaurov (Banquo), Luciano Pavarotti (Macduff), Riccardo Cassinelli (Malcolm). London Philharmonic Orchestra, Wandsworth School Choir, Ambrosian Opera Chorus, dir. Lamberto Gardelli.
Urania WS121399. 2 CD. Distr. DistrArt Musique.
 
Le label italien Urania redonne vie à cette captation de 1970 hier publiée sous étiquette Decca et qui ne manquera pas de nourrir les commentaires les plus acides. Sur le papier, un trio masculin de haut vol propre à conforter les tenants du « c’était mieux avant » mais qui refroidira leurs a priori.
 
Si la basse Ghiaurov impose en Banquo une figure shakespearienne vocalement et théâtralement convaincante, si Pavarotti fait du Pavarotti pour le plus grand bonheur de tous, sans souci particulier d’incarnation, le héros éponyme de l’ouvrage reste terriblement en deçà de ce que l’on attendait de lui. La tendance qui le porte à brutaliser son expression, à surjouer et vociférer, au lieu d’épouser les inflexions d’un être sous influence qu’il exacerbe en matamore, est de fait rédhibitoire. Péché quasiment véniel au regard des crimes infligés au chant verdien par Elena Suliotis, dans le rôle à tous égards terrifiant de sa Lady doublement assassine ! Bien que distribuée en ces années, au Metropolitan comme à Londres, dans cet emploi, l’étoile filante de la scène lyrique, définitivement éprouvée par une tessiture meurtrière, peine à en unifier les registres et caricature son héroïne. Le compositeur souhaitait imprudemment une interprète à la voix âpre, étouffée, caverneuse : il est servi (ou desservi) par un excès de zèle involontaire mais éprouvant pour l’auditeur. Même un maestro concertatore, habile à plier ses interprètes aux exigences vocales et stylistiques de la partition, n’aurait pu limiter ces dégâts. Le très professionnel Gardelli, hier répétiteur de Serafin, n’est de toute façon pas de ceux-là et se contente de dérouler prosaïquement le fil des pages sans chercher à en épouser les nuances ou les contrastes, si nombreux et essentiels, à la tête pourtant d’un orchestre, de chœurs et de seconds rôles disciplinés. En somme, une succession de fichus quarts d’heure.
 
Jean Cabourg