Peter Berger (Manru), Ewa Tracz (Ulana), Anna Lubańska (Jadwiga), Mikołaj Zalasiński (Urok), Dariusz Machej (Oros), Monika Ledzion-Porczyńska (Aza), Łukasz Goliński (Jagu), Maciej Ufniak (Un tzigane), Stanisław Tomanek (Un violoniste). Chœur et Orchestre de l’Opéra de Varsovie, dir. Grzegorz Nowak. Mise en scène, Marek Weiss (12 oct. 2018).
Institut Frédéric Chopin NIFCDVD009. Présentation bilingue (pol., angl.). Distr. Socadisc.

C’est la captation d’une soirée donnée à l’Opéra de Varsovie en 2018, à l’occasion du centième anniversaire de la résurrection de la Pologne. Sachant le rôle qu’y joua Paderewski, qui signa le traité de Versailles en tant que président du conseil et ministre des Affaires étrangères, l’exhumation de Manru, son unique opéra, allait de soi. Le DVD confirme en tout point l’impression laissée par le spectacle. Marek Weiss a actualisé l’histoire du tzigane, rejeté par le village où il s’est établi après son mariage avec Ulana, que les siens ont reniée. Il en a heureusement préservé l’universalité, se contentant de faire des compagnons de Manru des hippies libertaires. L’ensemble convainc, mais pas plus qu’hier on n’en cautionnera pas la fin, qui transforme le dénouement tragique en un happy end. Alors qu’Ulana devrait se suicider et qu’Urok, pour la venger, devrait tuer Manru, celui-ci part avec Aza et les tziganes, avant qu’Urok jette leur enfant dans les bras d’Ulana et la sauve.

Musicalement, on reste toujours aussi hostile à la suppression du Prélude et de l’interlude orchestral du troisième acte. Cela eût pourtant mis en valeur l’orchestre et la direction colorée et théâtrale de Grzegorz Nowak. La distribution suscite les mêmes sentiments mitigés que dans la salle. Ewa Tracz la domine, Ulana frémissante et stylée, qui chante très joliment la courte berceuse du deuxième acte. Peter Berger lui est bien mal apparié : voix vilaine, émission poussive, chant fruste de ténor qui aurait dû s’en tenir à des emplois plus légers. L’Urok de Mikołaj Zalasiński n’est pas très équarri non plus et Monika Ledzion-Porczyńska met Aza, qui devrait incarner la tentation, perpétuellement sous tension. Si bien que, après Ulana, ce sont les rôles secondaires que l’on préfère : la mère impérieuse d’Anna Lubańska, l’Oros imposant de Dariusz Machej, le Jagu bien campé de Łukasz Goliński. Mais les DVD de Manru ne courent pas les rues : on n’avait jusqu’ici que la production de l’Opéra de Bydgoszcz. Et il faut connaître l’opéra de Paderewski  : c’est un de ses chefs-d’œuvre.

Didier van Moere