Lisette Oropesa (Violetta), René Barbera (Alfredo Germont), Lester Lynch (Giorgio Germont), Dresdner Philharmonie, dir. Daniel Oren.
Pentatone PTC 5186956 (2 CD). Notice et livret, italien-anglais-allemand.

Empruntant à contrepied un vers racinien anthologique, disons d’emblée que l’unique objet de notre assentiment au sein de cette Traviata est sa protagoniste, une Lisette Oropesa d’exception. De cette Gilda de Rigoletto ovationnée dans le monde entier, on aurait pu craindre que la lumière juvénile du timbre ne soit en mesure que de traduire le brio initial de Violetta plutôt que son destin étreignant. C’était compter sans la faculté de cette éblouissante américaine à modeler son émission et ses accents au service des emplois les plus divers, en évitant les travers du soprano léger immature. La pureté de son récitatif du premier acte, « E Strano », certes un brin adolescente, se coule dans un phrasé ombré, avant que l’ardeur de son « Sempre libera » et ses trilles serrés ne viennent culminer sur un contre mi b fulgurant. Face à Germont au deuxième acte, la jeune femme amoureuse se laisse aller à quelques flèches pointues, mais le sostenuto de son « Dite alle giovine » et l’ardeur des accents qui s’ensuivent rassurent sur son potentiel expressif. L’irrépressible « Amami Alfredo » conjuguera au mieux ensuite innocence et passion. Le dernier acte, idéalement initié par le parlando de « Teneste la promessa », trouve dans le medium de l’« Addio del passato » un instant de grâce, culminant sur l’irrésistible adieu à la vie. L’ultime duo des deux amants bouleversera par l’intériorité et la pureté immanente de cette Violetta à tous égards d’exception. On imagine que la créatrice du rôle en France, sur les planches du Théâtre des Italiens, l’adolescente Piccolomini, (par ailleurs Lucia d’exception comme Orovesa), mariait de la sorte, ingénuité du timbre et présence théâtrale. Il aurait fallu offrir à cette amante un ténor moins étriqué dans ses voyelles plates que René Barbera, improbable rossinien recyclé dans le chant romantique, et surtout un Germont moins caricatural et mieux chantant que celui qu’il nous inflige. Comme souvent, Daniel Oren impulse fougue et contrastes à un orchestre et à des chœurs hautement professionnels, sans négliger de chaperonner sa prima donna.

Jean Cabourg