Chantal Santon Jeffery (Hébé, Sapho), Marie Perbost (l’Amour, Eglé), Olivia Doray (Iphise, 2ème version, une Naïade), Judith van Wanroij (Iphise, 1ère version), Reinoud van Mechelen (Momus, Mercure, le Ruisseau), Mathias Vidal (Lycurgue), Philippe Estèphe (Hymas, Tyrtée), David Witczak (Alcée, Eurilas), Lóránt Najbauer (le Fleuve, l’Oracle), Purcell Choir, Orfeo Orchestra, dir. György Vashegyi.
Glossa GCD924012 (3 CD). 2021. Notice en français. Distr. Harmonia Mundi.

Dans la foulée des Indes galantes (1735) et pour en prolonger le succès, Rameau entreprit Les Fêtes d’Hébé (1739), opéra-ballet conçu selon le même modèle, en trois entrées indépendantes reliées par un thème commun : ici, celui des arts – ou des talents, comme l’indique le titre alternatif, Les Talens lyriques –, représentés par la Poésie, la Musique et la Danse. Hélas, le livret écrit à plusieurs mains échoue à donner une véritable forme théâtrale à cette succession de divertissements et les prétextes dramatiques restent si minces que, pour délicieuse qu’elle soit, la partition en vient parfois à tourner à vide – sauf dans la dernière entrée, « La Danse », qui fut d’ailleurs la seule a être d’abord gravée, par Gardiner (chez Erato, en 1977, sur instruments modernes). Depuis, Christie a enregistré l’intégrale, sans totalement nous convaincre (Erato, 1997). Si Vashegyi séduit davantage, il n’empêche pas les baisses de régime du prologue et de la seconde entrée, « La Musique », dont le climat sévère, spartiate, ne lui convient guère. Notons que, contrairement à Christie, qui n’enregistrait que la première version de cette entrée, Vashegyi en propose également la seconde, plus ramassée, qui nous permet d’admirer la noble Iphise de Doray. L’Iphise de la première version, c’est van Wanroij, plus remarquable encore, en dépit de son léger accent, de par son émission tranchante, son timbre corsé et son superbe phrasé. Les deux autres sopranos se montrent plus décevantes, Santon à cause de son chant désordonné, Perbost à cause de sonorités trop droites. Le reste de la distribution, qui oppose deux barytons virils, vibrants (Witczak et Estèphe) à une haute-contre élégante, émouvante (van Mechelen), remporte tous les suffrages. Le chœur, surtout du côté des messieurs, a amélioré sa coloration des voyelles et nous vaut de fort beaux moments (fin du prologue). L’orchestre apparaît dense, rond, équilibré, très expressif dans les pages mystérieuses ou impressionnistes (début des entrées 1 et 2, Loure pour les Génies, Air pour Zéphire), mais pas assez incisif dans les pages brillantes ou belliqueuses : la fin de « La Musique » (incluant une chaconne trop tiède), l’ariette célèbre de Mercure et même l’ouverture réclameraient des violons davantage de mordant et, de la part du chef, un geste plus engagé, plus propre à la catharsis. Mais, on l’aura compris, cette intégrale prend néanmoins la tête de la (maigre) discographie.

Olivier Rouvière