Chantal Santon-Jeffery (Zeliska/Malvino), Olivier Gourdy (Peters), Andrès Agudelo (Amorveno), Adrien Fournaison (Moroski), Natalie Perez (Floreska), Bastien Rimondi (Ardelao) ; Opera Fuoco, dir. David Stern. Enregistré en avril 2021. Notice en anglais, allemand et français. Livret en italien, anglais et français.
CD Aparté Music AP267. Distr. Harmonia Mundi.

En 2008, Naxos avait déjà publié une version de cet Amor conjugale, enregistrée sur le vif au festival "Rossini in Wildbad" 2004. Cet opéra en un acte de Giovanni Simone May, créé à Padoue en 1805, s'inspire du livret de Bouilly pour Gaveaux dont Beethoven devait la même année tirer sa Léonore. Le librettiste, Gaetano Rossi, en a considérablement réduit les proportions, le ramenant à un seul acte, bâti sur une vingtaine de numéros, supprimant le personnage de Jaquino et le chœur, et rebaptisant les personnages. Si la donnée de base est la même, le sous-titre de "dramma sentimentale", donné par le poète, nous emmène plutôt du côté de l'opéra semiséria. Zeliska/Malvino s'est introduite dans la prison où son mari Amorveno est retenu au secret, dans le but de le sauver. Floriska, la fille de Peters, le geôlier, est tombée amoureuse de lui (d'elle) et l'amour conjugal qui la conduit finira par triompher de Moroski, le méchant gouverneur de la prison. On reconnaîtra dans les noms d'inspiration polonaise le souvenir des opéras à sauvetage de Cherubini (Lodoiska et Faniska ). Le langage de Mayr se situe justement dans une étonnante synthèse entre l'héritage mozartien et celui de l'opéra révolutionnaire, mais dans un style vocal typiquement italien qui annonce le style rossinien. A l'instar de Léonore, cet Amor conjugale, se divise en deux parties, une première plutôt d'obédience "buffa" dominée par des airs de caractère et par le récitatif sec (réalisé ici au clavecin et au violoncelle ce qui le rend nettement plus expressif) et une seconde dramatique, entièrement "durchkomponiert" qui englobe sans aucune rupture toute la scène de la prison, les retrouvailles des deux époux (développées en un magnifique duo) et le dénouement avec l'intervention du Prince. Une conclusion chorale réunissant l'ensemble des protagonistes contrepointé par le seul Moroski, tire la morale de l'histoire en exaltant l'amour conjugal. La version de Wildbad nous avait déjà séduit en révélant une partition d'une grande originalité, avec des airs solistes remarquables, de beaux ensembles (un trio, un magnifique quatuor), une orchestration pleine de variété et un sens dramatique qui n'a rien à envier à ses contemporains, s'épanouissant pleinement dans la seconde partie. Captée sur le vif, elle appelait toutefois quelques réserves quant à la distribution. Ce n'est pas le cas de cet enregistrement de studio dont le plateau se révèle impeccable jusque dans les plus petits rôles et où l'on distinguera particulièrement la Zeliska très engagée de Chantal Santon-Jeffery, le Peters bien caractérisé de la jeune basse Olivier Gourdy et le beau ténor lyrique d'Andrès Agudelo en Amorveno. Porté par la direction sensible et nuancée de David Stern à la tête de son ensemble Opera Fuoco dont brillent singulièrement les pupitres de vents et qui offre à la musique de Mayr toute la fluidité et les respirations qu'elle appelle, en plus de couleurs authentiques, ce plateau d'excellent niveau redonne ses lettres de noblesse à un compositeur encore injustement ramené à un rôle de transition. Cet enregistrement pleinement réussi, qui offre en outre une édition "intégrale" de la partition, pourrait bien constituer le premier jalon d'une redécouverte du maître de Donizetti par le public français.

 Alfred Caron