Natalia Rubis (Halka), Michalina Bienkiewicz (Zofia), Sebastian Szumski (Janusz), Przemyslaw Borys (Jontek), Jozef Balka (Echanson), Marek Opaska (Sénéchal), Capella Cracoviensis, dir. Jan Tomasz Adamus (Cracovie, 2-5 sept. 2019).
Deutsche Harmonia Mundi. 2 CD. Présentation bilingue (angl., all.) livret trilingue (pol., angl., all.). Distr. Sony Classical.

Dominik Sutowicz (Jontek), Magdalena Molendowska (Halka), Lukasz Golinski (Janusz), Rafal Korpik (Sénéchal), Magdalena Wilcznska-Gos (Zofia), Damian Konieczek (Dziemba). Chœur et Orchestre de l’Opéra de Poznan, dir. Gabriel Chmura (enr. live, Opéra de Poznan, 11 nov. 2019).
Naxos. 2 CD. Présentation en anglais.  Distr. Outhere.

Si Moniuszko s’en était tenu à la mouture originelle, créée à Vilnius en 1848, Halka ne serait certainement pas considéré comme le premier opéra national polonais. C’est pour la création varsovienne que, dix ans plus tard, il rajouta les danses polonaises : Mazurka du premier acte, Danses montagnardes du troisième, devenues aussitôt aussi célèbres que les airs de Janusz, de Halka ou de Jontek qui vinrent également étoffer la partition. Halka devint ainsi un opéra en quatre actes au lieu de deux, plus long d’une trentaine de minutes, moins intimiste et plus proche du grand opéra. Est-ce à dire que la version de Vilnius n’était qu’une ébauche de celle de Varsovie ? Nullement : plus concentrée, plus ramassée, plus tendue, parfois plus ornée aussi, elle se suffit à elle-même et peut déjà prétendre au titre de chef-d’œuvre.

Réjouissons-nous d’en posséder un enregistrement, historiquement informé et, surtout, remarquablement dirigé par Jan Tomasz Adamus à la tête de son excellente Capella Cracoviensis. Sonorités colorées, direction claire et souple, pleine de vie, tout ici nous séduit, le chœur ne se signalant pas moins que l’orchestre. On souhaiterait seulement un peu plus d’urgence dramatique. Voici Halka rendue à sa vérité première. Vocalement, tout n’est pas de la même eau avec la jeune distribution réunie ici. La belle Halka de Natalia Rubis domine tout le monde, voix fruitée mais charnue, l’exact format de soprano lyrique requis, à la ligne impeccable, rayonnante de jeunesse brisée : magnifique scène finale. Janusz, le séducteur, baryton plus grave qu’en 1848, ne trouve en Sebastian Szumski qu’un interprète d’une probité assez pâlichonne, à court de grave justement. Le paysan fidèle et transi Jontek, baryton aigu pas encore ténor comme à Varsovie, a plus de relief grâce à Przemyslaw Borys – un vrai ténor. Mais la Zosia de Michalina Bienkiewicz, à la vocalise savonnée, ne retient guère, alors que la Marszalek de Marek Opaska reste trop vert.

A l’Opéra de Poznan, la même année du bicentenaire de la naissance de Moniuszko, Gabriel Chumra, disparu peu après, signe une version volcanique, d’une irrésistible effervescence, galvanisant le chœur et l’orchestre – ils suivent. Les danses tourbillonnent, le chef débordant cette fois de théâtralité : la tension dramatique ne retombe jamais, la direction imprime à la représentation un rythme haletant. La distribution est, de nouveau, inégale. Magdalena Molendowska a la voix plus mûre que Natalia Rubis, avec du vibrato et des aigus parfois assez approximatifs. L’incarnation, en tout cas, convainc, même si la ligne peut manquer de fermeté. Le Janusz de Lukasz Golinski, belle voix élégamment conduite, constitue l’atout principal la soirée – il chantait aussi le rôle, la même année, à Bydgoszcz. Dominik Sutowicz, en revanche, n’affiche guère qu’un Jontek robuste, certes non sans quelques nuances, au timbre ingrat et aux aigus poussifs. Autour d’eux, on assure, Zofia de Magdalena Wilczynska-Gos ou Sénéchal de Rafal Korpik. Cette version boucle une boucle : en 1952, la première version polonaise de Halka, dirigée par Walerian Bierdiajev, venait de Poznan.

Didier van Moere