Mauro Peter (Tamino), Siobhan Stagg (Pamina), Mika Kares (Sarastro), Sabine Devieilhe (la Reine de la nuit), Roderick Williams (Papageno), Christina Gansch (Papagena), Peter Bronder (Monostatos), Darren Jeffery (l'Orateur), Rebecca Evans (première dame), Angela Simkin (deuxième dame), Susan Platts (troisième dame). Orchestre et chœur du Royal Opera House, dir. Julia Jones. Mise en scène : David McVicar (Covent Garden, 2017).

Opus Arte OA 1343D (1 DVD). Synopsis en anglais. Sous-titres français. Distr. DistrArt Musique.

Projetée dans les salles de cinéma en 2017, cette Flûte enchantée de David McVicar est la reprise du spectacle créé en 2003 sous la direction de Colin Davis (DVD Opus Arte). Dès le début de l'ouverture, l'esprit des Lumières y est bellement symbolisé par deux globes fluorescents qui, tenus par deux jeunes gens dans la salle, semblent guider dans sa quête spirituelle un Tamino habillé à la mode du XVIIIe siècle. Par la suite, l'idée revient notamment dans le finale du premier acte, lorsque le protagoniste découvre l'Orateur et deux jeunes enfants studieux assis à une table où un nouveau globe lumineux occupe la place du soleil dans une fascinante maquette du système solaire. Avant que les rayons du jour ne triomphent des forces de la nuit, celles-ci se manifestent dans de superbes tableaux étoilés noyés dans un bleu profond du plus bel effet. La dimension plus naïve du conte est elle aussi bien mise en relief, comme en témoignent par exemple l'immense serpent de carton-pâte qui terrorise Tamino ou l'amusant gallinacé articulé que Papageno finit par attraper au prix de multiples efforts. Avec son humour sagement dosé, cette production d'un traditionalisme de bon aloi constitue une réussite indéniable, à l'exception des épreuves du feu et de l'eau, représentées par des figurants gesticulant de façon fort peu convaincantes derrière une Pamina et un Pamino que ces contorsions laissent... de glace.

Si la cheffe Julia Jones dirige avec énergie et enthousiasme, elle demeure un peu prosaïque dans les grandes pages teintées de mysticisme et guère émouvante dans l'expression du désarroi existentiel de Pamina. Peut-être à cause de la prise de son, les cuivres ont de surcroît tendance à alourdir par moments la pâte orchestrale. En Tamino, Mauro Peter confirme une nouvelle fois son statut d'éminent ténor mozartien grâce à son sens du phrasé et à la richesse intrinsèque de sa voix, qui compensent amplement une certaine raideur scénique. Plus douée sur le plan dramatique, Siobhan Stagg est une Pamina passionnée mais son « Ach ich fühl's », trop haché, n'atteint pas à l'état de grâce. D'une agilité confondante, Sabine Devieilhe enchaîne sans difficulté apparente les vocalises de la Reine de la nuit, dont elle offre un magnifique portrait auquel manque toutefois un brin de hargne et de folie hystérique. Plein d'onction, le Sarastro de Mika Kares ne marque guère les esprits en raison d'une relative indifférence et d'attaques parfois imprécises. Succédant à l'inoubliable Papageno de Simon Keenlyside, dont il ne possède certes pas la voix et l'abattage, Roderick Williams n'en incarne pas moins un oiseleur éminemment sympathique, auquel s'apparie à merveille la charmante Papagena de Christina Gansch. Plus que le Monostatos très fatigué de Peter Bronder, on retient parmi les rôles secondaires l'Orateur d'une grande dignité de Darren Jeffery. Enfin, les trois garçons s'avèrent plus homogènes que les dames de la Reine de la nuit, handicapées par une Rebecca Evans trémulante. Au total, voici une nouvelle Flûte enchantée qui ne surclasse sans doute pas les versions de Levine/Ponnelle (Salzbourg, 1982), Sawallisch/Everding (Munich, 1983) ou Muti/Audi (Salzbourg, 2006), mais qui est néanmoins source d'un authentique plaisir.

Louis Bilodeau