Alison Kelly (Madeleine de Faublas), Gerald Frantzen (Aristide de Faublas), Ryan Trent Oldham (Mustafa Bey), Cynthia Fortune Gruel (Daisy Parker), Rose Guccione (Bébé), Bridget Skaggs (Tangolita), Matt Dyson (Célestin). Folks Operetta, dir. Anthony Barrese. (Oak Park, Illinois, 22 novembre 2014).
Naxos 8.660503-04 (2 CD). Présentation et synopsis en anglais. Livret disponible sur le site de Naxos. Distr. Outhere.

Musicien juif hongrois devenu immensément populaire avec les opérettes Victoria et son hussard (1930) et Fleur d’Hawaï (1931), Paul Abrahám fit créer avec grand succès ce Ball im Savoy (Bal au Savoy) au Großes Schauspielhaus de Berlin en décembre 1932. Quelques semaines plus tard, l’arrivée au pouvoir d’Hitler allait bouleverser l’existence de ce compositeur qui, atteint de graves problèmes mentaux, passera dix ans dans un hôpital psychiatrique new-yorkais avant de mourir à Hambourg en 1960. Décalque bien peu original de La Chauve-Souris, l’ouvrage montre comment le marquis Aristide de Faublas, afin de dîner-en-tête au Hôtel Savoy de Nice avec une ancienne flamme (Tangolita), cache la vérité à son épouse Madeleine. Subodorant quelque intrigue sentimentale, cette dernière décide de se déguiser et de se rendre au bal, où elle flirte avec un jeune clerc. Aristide surprend les faux amoureux et brandit la menace du divorce, mais tout s’arrange évidemment au dernier acte. Sur cette trame convenue, Abrahám a composé une partition on ne peut plus pétillante, où abondent les rythmes inspirés du jazz, et qui comprend notamment la magnifique romance de Madeleine « Toujours l’amour », d’une sensualité enveloppante. On se surprend par ailleurs à reconnaître une longue citation textuelle de la fameuse chanson « Night and Day » de Cole Porter, extraite de la comédie musicale Gay Divorce, que Fred Astaire venait tout juste de créer à Broadway.

Traduite en anglais et donnée dans un arrangement réalisé par Matthias Grimminger, Henning Hagedorn et le chef Anthony Barrese pour la petite formation (dix-neuf instrumentistes) de la troupe américaine Folks Operetta, l’œuvre perd malheureusement beaucoup de son pouvoir de séduction. Trop d’attaques approximatives et un manque flagrant de cohésion orchestrale entachent cet enregistrement qui souffre de surcroît d’une distribution d’un niveau semi-professionnel particulièrement faible ne pouvant réellement rendre justice aux exigences d’Abrahám. Car le compositeur avait conçu son opérette pour de grands chanteurs comme la soprano hongroise Gitta Alpár (créatrice de Madeleine), interprète réputée de la Reine de la nuit, de Rosina et de Gilda. Si ce coffret possède le mérite appréciable d’offrir enfin une intégrale au sein d’une discographie extrêmement pauvre, il fait pâle figure en regard des superbes extraits enregistrés en janvier 1933 par Abrahám et les principaux artistes de la création.

Louis Bilodeau