Véronique Gens (Antoinette), Olivia Doray (Marie-Anne), Éléonore Pancrazi (Félicie), Thomas Dolié (Prosper), Yoann Dubruque (Claude), Carl Ghazarossian (Jean-Paul/Hilarion Lallumette), Jean-Christophe Lanièce (M. Victor/Un garçon de magasin). Orchestre National Avignon-Provence, dir. Samuel Jean (enr. 12-14 sept. 2019, Auditorium Grand Avignon Le Pontet).
Palazzetto Bru Zane BZ1043 (1 CD). Distr. Outhere. Présentation bilingue (fr., angl.).

Avant les sites de rencontre, il y avait les petites annonces. Le chapelier Aubertin reçoit ainsi des lettres de sa femme, de sa fille et de sa bonne, une prétendue comtesse, qui rêvent de leur bel inconnu. Dénouement heureux du jeu de dupes dans une villa de la côte basque, dont le propriétaire épousera la bonne, alors que le couple se retrouvera et que la fille convolera avec son tourtereau. Du Sacha Guitry tout pur, complice de Reynaldo Hahn huit ans après Mozart. Mais le 5 octobre 1933, Yvonne Printemps n’est plus dans la distribution pour la première aux Bouffes Parisiens d’Albert Willemetz, où Arletty chante Félicie.  C’est toute une époque, tout un esprit, qu’il incombait de restituer à l’équipe réunie par le Palazzetto. Y est-elle parvenue ? Oui et non. Oui parce que tout le monde chante parfaitement, de l’Antoinette de Véronique Gens, qui désire et redoute les frissons de l’adultère, au Jean-Paul de Carl Ghazarossian, moins heureux en Lallumette, en passant par la Marie-Anne au charme pétulant d’Olivia Doray. Non, parce que tous se montrent, justement, plus chanteurs que diseurs, contrairement à ce que Hahn attendait. Il manque sans doute, ainsi, à la Félicie d’Eleonore Pancrazi, certes gouailleuse, un ton, un accent plus naturellement faubouriens – qu’on trouve dans les témoignages d’Arletty. La mariée serait-elle trop belle ? On se régale, en tout cas, de la direction de Samuel Jean, pleine de vie et de couleurs. Reste la question des dialogues, relégués dans le livret de présentation. Auraient-ils mis les chanteurs mal à l’aise, pour les raisons que nous venons d’avancer ? Peut-être. Mais réduite à un enchaînement d’airs, la « comédie musicale » n’est plus vraiment elle-même.

 

Didier van Moere