Christopher Purves (Falstaff), Tassis Christoyannis (Ford), Marie-Nicole Lemieux (Mistress Quickly), Dina Kuznetsova (Alice Ford), Jennifer Holloway (Meg Page), Adriana Kucerova (Nanetta), Bulent Bezduz (Fenton), Peter Hall (Dr Caius), Alasdair Elliott (Bardolpho), Paolo Battaglia (Pistol), London Philarmonic Orchestra, Glyndebourne chorus, dir Vladimir Jurowski ; mise en scène Richard Jones, Réalisation François Roussillon (Festival de Glyndebourne 2009).
DVD Opus Arte OA 1021D. Distr. DistrArt Musique. Durée 136 minutes. Notice anglais-allemand-français.

Vous avez aimé la production madrilène de Falstaff confiée en 2019 à Laurent Pelly, transposition de la comédie shakespearienne dans  l’Est-end londonien  des années 70  croqué à la manière de Ken Loach ?

Vous adorerez peut-être celle qu’Opus Arte est allé rechercher dans les archives du festival de Glyndebourne, lequel dix ans en amont confiait à l’intrépide Richard Jones le soin d’immerger le pancione de Windsor dans la Tamise de l’après seconde guerre mondiale. Une époque certes de renaissance au lendemain de terribles épreuves, mais fort peu élisabéthaine. Le gentilhomme disgracié autant que disgracieux, attifé d’un short, y tape à la machine ses fameuses lettres d’amour dans un pub, sous le portrait du Roi qui l’a réduit à la misère. L’opulence des Ford s’étale par contraste en un luxuriant potager, le décor cultivant un pittoresque coloré au sein duquel s’agite un petit monde touchant de naïveté comique. Le docteur Caïus exhibe un sérieux pontifiant, l’amoureux Fenton porte l’uniforme des GI, Ford qui le toise est plus irritable que de nature mais notre roi de la panse saura de son ventre repousser les Ford de tout poil. Rire assuré et bienveillant à l’endroit du fourbe vorace absous par ce rire même. Les commères croquent la vie et se jouent du séducteur bouffon. Tout ce visuel au premier degré sied à la comédie revisitée avant que de se plier aux exigences du final onirique, avec un certain bonheur, jeux de lumières aidant.  

L’italianité de l’ouvrage ne peut compter, elle, que sur le potentiel vocal des protagonistes et sur la direction de Jurowski.
En Falstaff, Christopher Purves met le public dans sa poche à coup de declamato au point de faire oublier la faiblesse de son bas medium et celle, assez commune, de son falsetto à court de timbre et de soutien. Le très attendu Quand’ero paggio, pierre de touche du rôle, frôle le parlando en guise d’éloquence vocale et de subtilité. D’un ensemble de voix mâles volontiers vociférantes et portées à la surcharge, y compris celle du cher Ford, se détache en Fenton le jeune ténor Bulent Betzduz, remarqué dans l’intégrale Colin Davis de 2004 et dont la couleur comme la fluidité font ici merveille. Sa Nanetta lui offre un fruité délectable et des aigus capiteux, son air final illuminant la nuit de Windsor à l’acte III . Alice et Meg tiennent leur rang , gâtant parfois leur portamento par la turbulence de leur jeu. On a peut-être surestimé l’ascendant de Marie-Nicole Lemieux dont les graves abyssaux s’exercent souvent au détriment de l’équilibre des registres. Sa Quickly martiale est néanmoins inénarrable. De Jurowski s’impose de même la battue sans faille et le punch, tant il aiguillonne le Philarmonic d’une baguette à l’occasion plus vériste que verdienne.

A voir et écouter, sans trop songer à tant de versions audios ou vidéos plus excitantes.

Jean Cabourg