Young-Jun Ahn (Edgar), Jaegyeong Jo (Loreadano), Eun-Hye Choi (Malvina), Markus Schäfer (Enrico), Tina Marie Herbert (Laura), Samuel Hasselhorn (Berto), Andreas Matterberger (Pietro). Choeur Simon Mayr, Membres du choeur de l'Opera d'état de Bavière, Concerto de Bassus, dir. Franz Hauk (Neuburg an der Donau, 18-27 septembre 2017)
CD Naxos 8.660422-23. Distr.
Outhere. Présentation en anglais et en allemand. Livret bilingue italien-anglais en ligne.

 

Décidément l’œuvre méconnue de Mayr n’a pas fini de révéler ses trésors. Avec cet opéra, créé à la Scala en 1814, c’est le versant semiseria de son inspiration que nous fait découvrir le chef Franz Hauk, grand défenseur de l'œuvre du maître de Donizetti. Le livret de Felice Romani, inspiré d’un mélodrame français d'Adrien Quaisain, met en scène l’histoire du duc Enrico qui, ayant "subtilisé" au roi Edgar, la femme de ses rêves, Malvina, et l’ayant épousée, la cache dans son château. L'arrivée du roi, venu chasser le loup, le met en mauvaise posture et, pour cacher sa faute, il imagine de faire passer pour son épouse la servante Laura, fiancée à son garde-chasse Berto. Pour compliquer l'affaire survient dans le même moment, Loredano, le père de la duchesse à la recherche de sa fille disparue. Cette intrigue complexe et source de situations scabreuses et de quiproquos, est rondement menée par le librettiste. Elle mobilise pas moins de onze personnages dont au moins cinq sont des rôles principaux, et offre au compositeur l'occasion de déployer une riche variété de registres au fil des quinze numéros qui composent une partition d'une remarquable efficacité dramatique et d'une constante originalité. On savoure deux magnifiques finales, un sextuor, de beaux duos, des airs sérias ou caractéristiques. À quelques touches plus graves près, la sortita de la duchesse et son grand air avec chœur de l'acte II, le ton reste léger, voire joyeux, avec quelques touches de pittoresque comme l'air du loup de Berto ou le duo des dictons de Berto et Laura, grâce à la présence des deux personnages ancillaires bouffes et d'un chœur de demoiselles et de paysans. La musique de Mayr constitue une étonnante synthèse entre l’héritage mozartien et le belcanto italien des années 1810, réalisé avec un brio qui semble parfois annoncer, toutes proportions gardées, le Rossini de Matilde di Shabran.
Cet enregistrement réalisé (en concert ?) avec les forces habituelles dévouées à la Mayr Renaissance - le choeur Simon Mayr et l'excellent Concerto de Bassus - offre une distribution très homogène, essentiellement de jeunes chanteurs, où se distinguent particulièrement les deux héroïnes, l'élégante Malvina de Eun-Hye Choi et la savoureuse Laura de Tina Marie Herbert. On y ajoutera le chaleureux Berto du baryton Samuel Hasselhorn - une sorte de Figaro en plus populaire -, les deux excellents ténors, Young-Jun Ahn, très à l'aise dans un rôle conçu pour le célèbre Giovanni Davide et le vétéran Markus Schäfer, toujours aussi efficace dans celui du duc, sans oublier la superbe basse du Loredano de Jaegyeong Jo. La direction de Franz Hauk qui assure également au clavecin l'accompagnement des récitatifs (un peu écourtés) donne toute la vivacité et le relief voulu à cette œuvre légère dont les deux heures quarante passent comme par enchantement et qui mérite d'élargir son auditoire bien au-delà du cercle restreint des connaisseurs de Mayr.


Alfred Caron