Markus Brück (Saül), Benjamin Hulett (Jonathan), Eric Jurenas (David), Mary Bevan (Michal), Sophie Bevan (Merab), Raphael Höhn (Le Grand Prêtre, La Sorcière d’Endor), NDR Chor, Orchestre du Festival de Göttingen, dir. Laurence Cummings (live, 2019).
Accent 26414 (3 CD). 2h46’. Notice en anglais. Distr. Outhere.

 

Saül est le premier grand oratorio dramatique préparé par Haendel pour Londres : les trois précédents (Esther, Athalia et Deborah) y avaient été peu entendus et relevaient davantage du pasticcio. Envisagé dès 1735, créé en 1739, il coûte beaucoup de peine au compositeur qui, à la même époque, donne ses ultimes opéras. Les solistes paraissant dans ces derniers se retrouvent dans Saül : les sopranos Francesina (Michal) et Young (Merab), le ténor Beard (Jonathan) – mais, pour la première fois, le rôle du héros (David) est tenu par un contre-ténor et non par un castrat. C’est surtout à travers le traitement orchestral que le compositeur entend évoquer l’ambiance biblique, requérant trombones (pourtant tombés en désuétude), trompettes, bassons et flûtes, insérant de scintillants solos d’orgue et de harpe, enrôlant les tambours militaires qui avaient tonné sur les Jacobites et commandant finalement, selon le librettiste Charles Jennens, un « instrument cyclopéen, un carillon que d’aucuns appellent Tubalcaïn ». La partition compte près de 90 numéros, parmi lesquels très peu de récitatifs « secs » et encore moins d’airs da capo ; l’action elliptique, qu’encadrent deux vastes anthems, s’y voit évoquée par de picturales sinfonie.

De tout temps, cette œuvre d’une richesse presque oppressante mais formellement malaisée a tenté les chefs et, même, de nos jours, les metteurs en scène : par exemple, Christof Loy à Munich en 2003 ou Barrie Kosky à Glyndebourne en 2015 – une production reprise au Châtelet de Paris en 2020, avec Laurence Cummings à la baguette. C’est le même chef qui officie dans notre enregistrement, capté l’année précédente en concert : à la tête de « son » orchestre de Göttingen, qui a bien progressé depuis l’époque de McGegan, ce haendélien se montre toujours aussi intuitif, fin et efficace, du moins dans les scènes les plus théâtrales (la folie de Saül, le courroux de Merab, les accompagnatos) ; en revanche les pâmoisons de David l’inspirent moins et manquent de poésie. Un peu confus au début (la prise de son a été faite dans une église), le Chœur de la Radio allemande ne cesse de se bonifier, jusqu’à de grandioses fins d’actes. Les solistes, hélas, manquent de charisme et ne peuvent faire oublier les légendes d’autrefois (la Merab de Price, la Michal de Dawson, le David de Bowman, le Jonathan de Rolfe Johnson, le Saül d’Allen !). Des deux sœurs Bevan, seule Sophie confère quelque présence à la fille aînée du roi d’Israël ; campé par un baryton, celui-ci convainc dans les récits mais s’avère incapable de vocaliser, tandis que le solide David de Jurenas se montre bien prosaïque. Un second choix au disque, donc – mais quel serait le premier ? Gardiner, Jacobs, Mackerras, Harnoncourt, McCreesh, voire Ledger et Neumann conservent leurs attraits…



Olivier Rouvière