Cavalleria rusticana, Mascagni : Alexia Voulgaridou (Santuzza), Angelo Villari (Turiddu), Elena Zilio (Mamma Lucia), Marina Ogii (Lola), Devid Cecconi (Alfio), Cristina Pagliai (Una donna), Chœur et Orchestre du Maggio Musicale Fiorentino, Valerio Galli, mise en scène : Luigi Di Gangi et Ugo Giacomazzi (Florence, février 2019).
DVD Dynamic 37843. Notice et synopsis en italien et anglais. Distr. Outhere.


Pagliacci,
Leoncavallo : Angelo Villari (Canio/Pagliaccio), Valeria Sepe (Nedda/Colombina), Devid Cecconi (Tonio/Taddeo), Matteo Mezzaro (Peppe/Arlecchino), Leon Kim (Silvio), Chœur et Orchestre du Maggio Musicale Fiorentino, dir. Valerio Galli, mise en scène : Luigi Di Gangi et Ugo Giacomazzi (Florence, 11 et 13 septembre 2019).
DVD Dynamic 37863. Notice et synopsis en italien et anglais. Distr. Outhere.


La paire imparable est de plus en plus souvent découplée, ainsi le Mai Musical Florentin, montant les deux actes de Pagliacci et l’acte unique de Cavalleria rusticana les aura non seulement appariés à d’autres ouvrages, mais largement espacés dans la saison, le second étant donné avec Un mari à la porte d’Offenbach sept mois avant le premier où Canio voisinait avec les héros d’une création de Riccardo Panfili, « Noi, due, quattro ». Dynamic n’édite que les ouvrages historiques signés Mascagni et Leoncavallo, que le Maggio aura vu souvent et où le jeune Riccardo Muti avait mis sa griffe.

Ce n’est pas la direction sage, qui excuse sa prudence par une musicalité attentive, de Valerio Galli qui fera oublier les élans de son fameux prédécesseur : un prologue atone, deux actes qui se traînent, une commedia dell’arte sans rythme (et qui peinera même dans l’emballement final), cela fait un bien pâle Pagliacci où l’on chérira pourtant la Nedda vive, mutine, puis soudain terrorisée de Valeria Sepe, mais que son Canio est sinistre, vieilli vraiment de timbre, d’allure, malgré une voix qu’on sent immense… et son Tonio rogue, en timbres gris, sans séduction, la laisse tout aussi seule. Le spectacle réglé avec art par le duo Di Gangi-Giacomazzi est de pure tradition, se regarde sans faiblir, le dispositif scénique en triptyque de Saverio Santoliquido où les vidéos participent vraiment du spectacle assurant une fluidité de la dramaturgie.

Si Pagliacci et son théâtre dans le théâtre suscite des propositions parfois inventives, la nudité dramatique, la Sicile de désert solaire de Cavalleria rusticana n’offre que peu d’échappatoires : ou l’on élucubre sur le drame vériste, ou l’on reste fidèle à l’esprit réaliste du livret de Targioni-Tozzetti et de Guido Menasci, si proche des nouvelles de Giovanni Verga. Di Gangi et Giacomazzi transposent l’œuvre dans un XXe siècle intemporel, mais Alfio, Mamma Lucia, Santuzza, Turiddu semblent sortis tout droit des années de la rédaction de l’ouvrage ; les enfants, avec leurs masques de carnaval satanique qui seront associés au caractère sombre d’Alfio, soulignent-ils que le diable guidera sa main dans le duel meurtrier avec Turiddu ?

Ils seront la seule diversion d’un spectacle impeccable, tout entier concentré sur une direction d’acteurs discrète mais révélatrice. Si l’orchestre vitupérant de Leoncavallo perdait Valerio Galli, les aplats nus, les arêtes vives de celui de Mascagni lui inspirent une direction élégante, subtile, tournant le dos au vérisme pour exposer les finesses instrumentales que peu de chefs savent faire paraître, et la distribution est de première force.

Magnifique Santuzza, ardente et brisée (et quelle présence à la malédiction) d’Alexia Voulgaridou, exactement le grand soprano que voulait Mascagni, Lola tentatrice de Marina Ogii, Alfio d’un bloc de Devid Cecconi dont le chant fruste identifie parfaitement le personnage du cocher, et Angelo Villari, si restreint dans Pagliacci, qui ici libère son grand ténor. Sur tous règne la Mamma Lucia bouleversante d’Elena Zilio, qui sait tout, voit tout, connaît avant tout autre la fin tragique de son fils. Ne serait-ce que pour elle, le spectacle doit se voir.


Jean-Charles Hoffelé