Teresa Iervolino (Rinaldo), Carmela Remigio (Armida), Francisco Fernández-Rueda (Goffredo), Loriana Castellano (Almirena), Francesca Ascioti (Argante), Dara Savinova (Eustazio), Valentina Cardinali (Lesbina), Simone Tangolo (Nesso), Orchestre La Scintilla dir. Fabio Luisi, mise en scène : Giorgio Sangati (Martina Franca, juillet-août 2018)
BRD Dynamic 57831. Notice et synopsis en italien et anglais. Distr. Outhere.

Naples, pour célébrer Charles VI en cette année 1738, voulut lui offrir ce Rinaldo que Londres avait vu triompher sept ans plus tôt, mais le chef-d’œuvre de Haendel fut remâché par Leonardo Leo. Argante n’est plus basse (on l’offre à un castrat, Naples oblige !), Almirena se mue en contralto et Goffredo devient ténor. Nicolini, créateur de Rinaldo au Queen’s Theatre, débarqué de Londres pour reprendre le rôle du chevalier fou, dut être surpris par tant de libertés. Pour mettre un peu de sel napolitain, Leo ajoute un couple de domestiques, introduisant une diversion qui dans le grand théâtre de chevalerie merveilleuse du Tasse fait hiatus, et, assumant les changements de tessitures, modifie à la marge la musique même de Haendel, piochant son inspiration jusque chez Vivaldi, échangeant les airs d’un personnage à l’autre. Vous ne serez donc pas surpris d’entendre ici Rinaldo chanter « Lascia ch’io pianga ».

Pourquoi exhumer ce détournement qui fait peu de cas d’un original pourtant déjà célèbre ? Et pourquoi surtout l’affubler d’une vaine transposition dans l’univers rock où Rinaldo porte la défroque et arbore la moustache de Freddie Mercury ? Autant avouer que très vite on ne regarde pas, pour mieux tendre l’oreille devant une compagnie de chant plutôt relevée : écoutez le Rinaldo plus tendre que brillant de Teresa Iervolino, l’Argante altier de Francesca Ascioti, le grand style que déploie Francisco Fernández-Rueda pour Goffredo , mais surtout révisez votre Almirena transfigurée par l’incarnation pleine de caractère de Loriana Castellano. Paille de la soirée, la magicienne sans charisme de Carmela Remigio, pâle Armide qui dépare une captation assez académique, réservée au curieux, menée sans panache et même avec prudence par Fabio Luisi, respectueux du style au point d’amoindrir le théâtre.

Jean-Charles Hoffelé